De tout ce qu'il a vu depuis son arrivée au Québec, c'est le ciel qui a le plus impressionné Zhang Peiheng. « Il est bleu. Chez moi, le ciel est toujours gris. »

Le garçon de 10 ans fait partie d'un groupe de 18 enfants chinois qui passeront l'année dans la métropole dans le cadre d'un échange d'élèves, le premier du genre dans une école primaire publique de la province. Les jeunes Chinois vivront cette année leur premier Noël blanc.

Débarqués il y a deux mois, les gamins ne parlaient pour la plupart pas un mot de français et baragouinaient à peine l'anglais. L'immersion totale.

Pour eux, tout est une découverte, des boîtes à lunch aux sapins de Noël en passant par le hockey, les tempêtes de neige et les sandwichs au dîner.

« Il y a eu une période d'adaptation, mais on voit qu'ils commencent à s'intégrer aux autres élèves. Ils ne mangent plus tous ensemble à la cafétéria. Ils se mélangent plus aux autres », dit Benoit Longtin, directeur de l'école Joseph-Henrico, de Baie-d'Urfé.

Chaque enfant vit dans une famille québécoise. Le seul lien avec la mère patrie, c'est Mlle Li, une enseignante de 23 ans qui a fait le voyage avec le groupe à partir de la province du Shandong. Au début, elle restait dans la classe pour agir comme interprète, mais les enfants se fiaient trop à elle, alors les professeures québécoises lui demandent de sortir maintenant.

« On utilise beaucoup les gestes et les mots-clés, raconte Dorothée Roy, une des deux enseignantes attitrées au groupe. Au début, ça les faisait rire de nous voir mimer. Ils ne sont pas habitués à ça. Les gestes, pour eux, ça fait clown. »

C'est un des nombreux défis que doivent surmonter autant les élèves que les enseignantes. Car le système scolaire est très différent entre les deux cultures.

« Par exemple, ils ne comprennent pas pourquoi il faut demander la permission avant d'aller à la toilette ou de se rendre à la fontaine. Ils trouvent qu'on a beaucoup de règles. La routine a été difficile à établir. Maintenant, ça va mieux », dit l'autre prof francophone, Olga Opanasyuk.

Occasion précieuse

Chaque jour, les premières périodes sont consacrées à l'apprentissage du français de base. « On est à peu près à un niveau maternelle. On apprend les mots de Noël. On parle de couleurs, de décorations, de vêtements. C'est vraiment la base », dit Mme Roy.

Même si c'est difficile, beaucoup de familles chinoises tiennent à ce que leurs enfants apprennent une autre langue. « Il y a beaucoup de compétition sur le marché du travail. Il faut se démarquer pour avoir un emploi bien rémunéré », explique Benoit Longtin.

Afin que les enfants ne prennent pas de retard au niveau académique, la dernière période est allouée à Li Zhen Rui, qui poursuit le programme chinois de mandarin. Elle aide aussi à traduire les messages importants lorsque les gestes ne suffisent pas.

La voilà justement qui traduit au fur et à mesure les phrases distortionnées qui sortent de l'interphone. « Il fait trop froid pour aller jouer dehors. La récréation du dîner aura lieu à l'intérieur. » Le message provoque instantanément les huées. Les enfants veulent profiter de la neige. Chaque occasion est précieuse.

« C'est tellement beau ici. C'est propre, il y a beaucoup d'arbres. La neige est blanche. Chez nous, c'est pollué », raconte Lily, 11 ans. La jeune fille assure qu'elle ne s'ennuie pas de sa famille. Zhang Peiheng non plus. « J'ai fait mon premier sapin de Noël avec ma famille hôtesse. Un vrai sapin. Pas en plastique », dit le garçon, émerveillé.

Durant les vacances des Fêtes, ses premières à vie puisque Noël se fête très peu en Chine, il prévoit patiner. Tu sais comment faire ? « Pas trop, mais on a fait une patinoire dans la cour », s'exclame-t-il.

Dans les familles, l'adaptation se passe bien. Mélissa Desroches, qui accueille une fille du groupe, Gao Yang, l'amènera dans un chalet de Lanaudière. « Elle va vivre la vraie expérience d'un Noël en famille. On va aller glisser et faire du patin. Elle est un peu inquiète parce qu'il n'y a pas de Wi-Fi, mais on va lui acheter une carte d'appel pour qu'elle puisse parler à ses parents. »

Et qui sait ? Avec un ciel aussi clair que le ciel québécois, Gao Yang réussira peut-être à voir passer le traîneau du père Noël.