Même si elle fait régulièrement la manchette, la cyberintimidation n'est pas celle qui pose le plus de problèmes à l'école. Dans les couloirs et les cours de récréation, ce sont les insultes et les attaques verbales qui sont aujourd'hui, plus que jamais, la principale forme d'intimidation.

Selon une vaste consultation menée par la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB) dans 25 écoles primaires et 5 polyvalentes, la violence verbale est de loin le problème le plus répandu dans l'univers scolaire. Elle survient partout, souvent au vu et au su des membres du personnel et des autres élèves.

«Les adultes ont l'impression que la cyberintimidation est LE gros problème, mais quand on parle aux jeunes, on se rend compte que ce n'est pas ça qui les dérange le plus, explique Priscilla Côté, psychoéducatrice et responsable de la prévention de la violence à la commission scolaire. On a un peu mis la violence verbale de côté dans les dernières années pour se concentrer sur d'autres formes d'intimidation, mais ça continue d'exister. Le problème, c'est que ç'a été banalisé avec le temps», dit-elle.

Des «tu pues», «ta gueule» et «t'es con», on en entend à longueur de journée dans les écoles. Souvent à la blague ou en boutade, mais parfois dans le but évident de blesser ou d'intimider.

«Ça ne fait pas si longtemps qu'on s'est aperçu que c'était une préoccupation, note Marie-Claude Huberdeau, directrice de l'école secondaire Saint-Georges, à Senneville. Avant, on s'attaquait à ce qu'on voyait: la violence physique, les batailles et les cas clairs d'intimidation. Mais les insultes, c'est plus insidieux, parce que dans la tête de nos élèves, ça ne compte pas comme de la violence. Alors même ceux qui se sentent exclus ou dénigrés n'arrivent pas toujours à le dire. Ils ont peur de faire rire d'eux ou de se faire reprocher de ne pas prendre les blagues, même s'ils sont blessés.»

Selon son collègue Christian Cardin, enseignant de théâtre, les jeunes d'aujourd'hui se permettent d'en dire de plus en plus. «Ils ont beaucoup moins de barrières. Je ne me verrais pas dire la moitié de ce qu'ils disent durant mon secondaire.» Cela entraîne, selon lui, des attaques très sournoises.

Difficile pour les enseignants et les autres employés des écoles de savoir à quel moment intervenir. «Souvent, on voit l'effet quand c'est devenu grave», note Laura Card, enseignante d'anglais et membre du comité intimidation et violence de la polyvalente.

Nouvelle grille d'intervention

Pire encore, selon la consultation de la CSMB, les élèves ont souvent l'impression que les adultes n'en font pas assez pour les aider lorsqu'ils sont victimes d'insultes ou d'autres formes d'intimidation.

Dans l'espoir de changer leur perception et d'éviter de laisser échapper des cas, la commission scolaire vient d'adopter une nouvelle - et très encadrante - grille d'intervention et de dénonciation qui sera présentée cette année à tous les membres du personnel, dans le cadre d'une toute première Semaine de prévention de la violence et de l'intimidation.

Concierges, secrétaires, éducateurs en service de garde, enseignants et employés de cafétéria apprendront à déceler les comportements intimidants et à les prendre en charge, quel que soit leur poste dans l'école.

«C'est la responsabilité de tout le monde d'intervenir au meilleur de ses capacités. On veut leur montrer c'est quoi la bonne façon de faire et comment détecter les situations problématiques, indique Priscilla Côté. Il faut que les jeunes sachent que chaque adulte les surveille.»

Plutôt que de prendre l'élève fautif à part, les employés des écoles seront dorénavant encouragés à l'aborder devant témoins, «pour que tout le monde sache que ce n'est pas acceptable». Il devra ensuite rassurer la victime, la diriger vers une personne-ressource et consigner l'incident. «Comme ça, si plusieurs adultes interviennent auprès du même jeune, on va le savoir.»