Les programmes particuliers se sont multipliés au cours des dernières années dans les écoles publiques, qui y voient une façon de motiver leurs élèves et de faire concurrence au privé. Au moment où certains de ces programmes sont menacés par les compressions dans les commissions scolaires, plusieurs se questionnent sur les frais demandés aux parents et déplorent le fait que ces programmes seraient trop élitistes.

Les écoles publiques misent plus que jamais sur les programmes d'enrichissement pour attirer les élèves qui seraient tentés par le privé. Mais comme ils s'accompagnent souvent de frais et ne sont parfois accessibles qu'aux élèves les plus performants, ils sont accusés d'être trop élitistes.

«Ce sont des programmes qui encouragent la persévérance des élèves, mais certains parents n'y ont pas accès à cause de leurs revenus. Ça risque de mener à un système scolaire à deux vitesses», souligne Gaston Rioux, président de la Fédération des comités de parents du Québec.

La facture de ces programmes dépasse parfois 1000$, et peut atteindre 3000$ dans certains cas. De plus en plus de commissions scolaires ont aussi décidé de facturer le transport scolaire pour les enfants qui veulent fréquenter un programme spécial donné dans une autre école que la leur.

C'est le cas de Stéphanie Harel, dont la fille est inscrite à l'École internationale de Laval: elle doit depuis l'an dernier payer une facture de 350$ pour le transport scolaire, qui s'ajoute aux frais de 250$ du programme lui-même. «Je suis mère monoparentale, alors c'est beaucoup d'argent pour moi», dit Mme Harel.

Près du tiers des élèves de la commission scolaire des Affluents, dans Lanaudière, sont inscrits à des programmes spéciaux.

«Il y a une grande demande de la part des parents, et c'est important pour nous de pouvoir offrir ces services, parce que plusieurs collèges privés recrutent des élèves sur notre territoire», dit Éric Ladouceur, porte-parole de la commission scolaire. Le transport scolaire est gratuit pour les enfants qui doivent se déplacer dans une autre école que la leur, mais les frais pour les programmes spéciaux varient de 100 à 1000$.

À la commission scolaire des Hautes-Rivières, dans la région de Saint-Jean-sur-Richelieu, les élèves doivent payer jusqu'à 3000$ pour les programmes de gymnastique ou de hockey.

Ces sommes sont déterminées par les organismes responsables du volet sportif et ne sont pas versées à la commission scolaire, qui fournit le transport gratuitement aux élèves qui doivent se rendre dans une autre école et sur les lieux d'entraînement.

Mais il n'en demeure pas moins que de telles factures limitent l'accessibilité pour les enfants de familles à revenus modestes, même si les directions d'école trouvent parfois des façons de les aider.

Sélection en fonction des résultats scolaires

En plus d'être limité par le compte en banque des parents, l'accès aux deux tiers des programmes spéciaux est aussi restreint aux élèves plus performants, ce qui est également problématique, selon la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE), qui s'est penchée sur la question de la sélection des élèves.

«Pour certains élèves, l'école est le seul endroit qui leur permet de s'épanouir culturellement, de vivre des expériences inédites et de s'ouvrir au monde. S'ils sont reconnus pour renforcer la motivation des élèves, les projets particuliers devraient pouvoir jouer ce rôle auprès de tous», souligne un rapport de la FSE, diffusé en avril dernier.

«Il y a une dérive parce que ces programmes qui envahissent les écoles sont trop souvent sélectifs, dit Josée Scalabrini, présidente de la FSE, affiliée à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ). On n'est pas contre, mais on s'interroge en voyant les élèves les plus performants sortir des classes ordinaires au moment où y sont intégrés de plus en plus d'élèves ayant des difficultés d'apprentissage.»

Le syndicat affirme même que les «groupes ordinaires se retrouvent composés, pour plusieurs, d'une majorité d'élèves ayant des problèmes d'apprentissage et de comportement».

Son rapport donne des exemples de programmes qui ne sélectionnent pas les élèves en fonction des résultats scolaires, en offrant par exemple des concentrations sportives, très efficaces pour motiver des jeunes ayant des difficultés scolaires.

Compétition malsaine

S'ils permettent de concurrencer le privé, les programmes spéciaux introduisent aussi une compétition malsaine entre les écoles publiques, souligne Mme Scalabrini. «Les parents envoient leur enfant dans le quartier voisin parce qu'il y a un programme particulier et qu'il n'y en a pas à leur école.»

La FSE s'est intéressée à la question parce que le ministère de l'Éducation n'avait pas de données sur le nombre de programmes particuliers, sauf ceux qu'il reconnaît, comme en sport-études, arts-études ou éducation internationale. Elle continue d'étudier l'impact de ces projets dans les milieux scolaires.

Il a d'ailleurs été impossible d'obtenir auprès du Ministère des données ou des études sur le financement et la popularité des programmes particuliers.

En chiffres

> 718 Projets pédagogiques particuliers en 2009-2010

> 252 Programmes reconnus par le ministère de l'Éducation (sport-études, arts-études ou éducation internationale)

> 664 Concentrations mises en place par les commissions scolaires ou les écoles (sports, arts, langues, sciences, etc.)

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Proportion de programmes qui sélectionnent les élèves

>Programmes sport-études ou arts-études reconnus : 100%

>Programmes d'éducation internationale: 79%

>Concentrations en langues: 62%

>Concentrations en sports: 57%

>Concentrations en arts: 44%

Source: Fédération des syndicats de l'enseignement