Les droits de scolarité doivent être augmentés pour pallier le sous-financement des universités, ont clamé les recteurs pendant le printemps érable. Toutefois, entre 1997 et 2009, la part du budget servant à payer leurs salaires a plus que doublé, rapporte la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université (FQPPU), dans la mise à jour d'une étude publiée plus tôt cette année, lors du Sommet sur l'enseignement supérieur.

«La part de la masse salariale consacrée à la haute direction augmente sans cesse, tout comme celle du personnel de gestion, comme les coordonnateurs de programme. C'est la preuve que nos établissements se bureaucratisent, mais aussi que certains octroient des salaires démesurés à leurs gestionnaires», affirme Michel Umbriaco, président du comité sur le financement universitaire de la FQPPU, une association qui regroupe la vaste majorité des syndicats de professeurs du Québec.

Entre 1997 et 2009, la masse salariale du personnel de direction, notamment les recteurs, est passée de 103,8 millions à 226,6 millions, soit une augmentation de près de 120%. Pendant cette même période, la part qu'occupe le salaire de la haute direction dans la masse salariale totale des universités est passée de 6,3% à 7,5%.

Ce changement de cap, explique M. Umbriaco, est le résultat de l'attitude de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ), qui visait à augmenter le salaire des hauts dirigeants «pour favoriser des candidats de qualité».

Or, soutient-il, le fait que le recteur de l'Université Bishop's, en Estrie, gagne un salaire deux fois plus élevé que celui du recteur de l'Université du Québec à Montréal ne fait pas pour autant de lui un meilleur dirigeant.

«Dans le réseau de l'Université du Québec, on a décrété un plafond, indique M. Umbriaco. Un recteur ne peut pas faire un salaire plus élevé qu'un sous-ministre. La FQPPU demandera, lors de la publication prochaine de notre recherche, que l'on fixe un salaire plafond aux hauts dirigeants, soit deux fois le salaire d'un professeur titulaire».

Par les contribuables

Majoritairement financées à même les fonds publics, les universités ne le sont pas entièrement.

«Les principales sources de revenus sont la subvention au fonctionnement, les droits de scolarité, les fonds de recherche et les fonds de donation. McGill aura plus d'argent grâce aux fonds de recherche, aux droits de scolarité payés par ses étudiants ou aux dons. Toutefois, dans tous les cas, la masse salariale des universités est en majeure partie financée par le gouvernement du Québec», précise M. Umbriaco.

Il donne à entendre qu'à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, où l'on fait peu de recherche, près de 80% du budget provient des fonds publics, alors qu'à l'Université McGill, c'est seulement 50%.

Dans les universités anglophones montréalaises, le salaire des hauts dirigeants a particulièrement augmenté au cours des dernières années.

Pour freiner cette hausse, il ne suffit toutefois pas de revoir à la baisse le salaire des recteurs, laisse savoir M. Umbriaco, «il faut aussi mettre un terme à la bureaucratisation de nos universités.»

Quand la masse salariale du personnel de gérance augmente de près de 300% entre 1997 et 2009, «c'est la preuve qu'on a laissé les choses aller.»

***

L'écart salariale se creuse

Les universités à charte, telles McGill, Concordia et l'Université de Montréal, creusent l'écart qui les sépare du réseau des universités du Québec quant à la part de la masse salariale consacrée aux cadres de la haute direction, notamment les recteurs. Entre 1997 et 2009, soit la période étudiée par la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université (FQPPU), le salaire des cadres de la haute direction a accaparé une part croissante de la masse salariale totale dans les universités à charte.

Par exemple, à l'Université McGill, le salaire de la haute direction occupait 8% de la masse salariale globale (incluant professeurs, chargés de cours et autres employés) en 1997. Ce chiffre a grimpé à 10,1% en 2009, un sommet pour l'ensemble des universités de la province. Or, pendant cette même période, le pourcentage représentant la masse salariale globale dans le budget des universités a diminué, analyse la FQPPU. Selon la fédération, cela veut donc dire que les parts du budget consacré à l'embauche de nouveaux professeurs ou de chercheurs diminuent, pour laisser la place à plus de cadres qui s'offrent de meilleurs salaires. Dans le réseau de l'Université du Québec, notamment l'Université du Québec à Montréal (UQAM), la masse salariale des cadres a également augmenté, mais la place qu'occupent les cadres dans la masse salariale totale a parfois diminué. Une situation contraire à celle qui a cours dans les universités à charte.

***

EN BREF

Université Concordia

Masse salariale du personnel de la direction: "18,9 millions (augmentation de 281%)

Part des fonds universitaires consacrés au salaire de la direction:

5,1% à 9,3% (augmentation de 4,2%)

***

Université de Montréal

Masse salariale du personnel de la direction: "30,8 millions (augmentation de 192%)

Part des fonds universitaires consacrés au salaire de la direction:

5,9% à 8,9% (augmentation de 4%)

***

Université McGill

Masse salariale du personnel de la direction: "31,2 millions (augmentation de 134%)

Part des fonds universitaires consacrés au salaire de la direction: 8% à 10,1% (augmentation de 2,1%)

***

Université du Québec à Montréal

Masse salariale du personnel de la direction: "5 millions (augmentation de 50%)

Part des fonds universitaires consacrés au salaire de la direction: 6,1% à 5,7% (diminution de 0,4%)