Alors qu'une entente de principe était à portée de la main, le gouvernement Marois a mis fin abruptement aux négociations avec les garderies privées subventionnées la semaine dernière, a appris La Presse.

Québec a proposé d'étaler sur trois ans les compressions de 15 millions de dollars, mais il a ensuite interrompu les pourparlers sur son offre. L'Association des garderies privées du Québec (AGPQ) était prête à accepter cette proposition. Elle accuse le gouvernement d'avoir bousillé les négociations et fait avorter une entente.

Les événements se sont produits mardi dernier, la veille de la journée de grève des garderies privées. Le vice-président de l'AGPQ, Samir Alahmad, a téléphoné à la sous-ministre du ministère de la Famille, Line Bérubé, responsable des négociations pour la ministre Nicole Léger. Il voulait savoir si une solution était envisageable afin d'éviter la grève.

«Elle m'a dit: je vais être très franche avec toi, les 15 millions, ce n'est pas négociable. Si vous cherchez à avoir un montant plus bas, [le gouvernement] n'est pas négociable», a relaté M. Alahmad en entrevue à La Presse, lundi.

Il a ensuite demandé si le gouvernement a une nouvelle proposition à mettre sur la table. «Étaler le montant sur trois ans, est-ce que ça peut être acceptable pour vous?», lui aurait répondu Mme Bérubé. «Ce n'est pas ça qu'on veut, on ne mérite pas des coupures, mais oui, on va accepter», lui a dit M. Alahmad, qui s'était engagé à annuler la grève. Ils évoquaient déjà une annonce ou un communiqué de presse conjoint.

À la fin de la conversation, la sous-ministre - «très contente», aux dires de M. Alahmad - a indiqué qu'elle avait une «validation à faire», vraisemblablement auprès de Nicole Léger.

Mais Mme Bérubé n'a jamais rappelé M. Alahmad. Les négociations sont rompues depuis.

Samir Alahmad se dit prêt à faire une déclaration assermentée pour prouver la véracité de son récit. Il reproche à la ministre d'être «intransigeante» pour des raisons idéologiques. «Pour nous, l'objectif du gouvernement est clair: il voulait qu'on aille en grève pour dire à la population que notre association prend les parents en otage. Il voulait nous donner des amendes, nous couper deux fois plutôt qu'une», a-t-il soutenu. Québec a imposé des amendes totalisant plus de 800 000$ aux 214 garderies qui ont fait la grève mercredi dernier.

M. Alahmad souligne que l'offre présentée par Mme Bérubé, «une femme intègre», devait nécessairement avoir été discutée au préalable au gouvernement. Cette proposition respectait selon lui le leitmotiv péquiste: «ferme sur l'objectif mais souple sur les moyens». Et du reste, Québec a déjà retenu le scénario de l'étalement pour régler un conflit, en répartissant sur sept ans la moitié des coupes imposées aux universités (124 millions).

Samir Alahmad s'est dit prêt à soumettre la proposition aux membres de l'AGPQ, mais à la condition cette fois que le gouvernement renonce aux amendes. En avril, l'AGPQ avait proposé au gouvernement l'étalement sur trois ans, mais elle réclamait alors que les compressions soient réduites à 7 millions de dollars, une option rejetée par le gouvernement.

De son côté, Nicole Léger n'a pas nié que l'idée d'étaler les coupes sur trois ans ait été présentée à l'AGPQ. «Il n'y a pas de négociations sur la place publique et pas d'autres commentaires pour l'instant», s'est contenté de répondre son cabinet en fin de journée.

L'AGPQ devait tenir une deuxième journée de grève jeudi, mais elle l'a reportée au 5 juin. Elle veut se donner du temps pour mobiliser ses membres afin d'organiser une manifestation devant le parlement.