Surprise, les livres destinés aux jeunes enfants qui apprennent à lire ne sont pas toujours inoffensifs et peuvent même contenir des jurons et des sacres.

C'est ce qu'a constaté une mère de famille, orthopédagogue dans une école de la Rive-Sud, en empruntant à la bibliothèque municipale un livre de la collection Castor Benjamin, de la maison d'édition française Flammarion.

Dans l'histoire La rivière sans retour, un castor s'exclame «tabernacle» en voulant aider Nitou l'indien, le personnage principal, qui est à la dérive sur son canot. L'auteur définit l'expression en bas de page, écrivant qu'il s'agit d'un «mot québécois signifiant l'étonnement».

Ce blasphème a choqué Caroline Montreuil, mais elle a été estomaquée de la définition qui en est faite. C'est un langage qui ne s'adresse pas aux jeunes enfants, selon elle. «Il y a moyen, en France, de promouvoir une autre culture sans parler de juron et de sacre.»

Dans son travail auprès des élèves, l'orthopédagogue utilise régulièrement des livres jeunesse. Ce n'est pas le premier exemple du genre. Il arrive souvent que les auteurs utilisent des mots et un langage inappropriés pour un jeune public, note Mme Montreuil.

«Ça arrive plus fréquemment qu'on ne le pense que des histoires comme ça sont publiées. Les éditeurs semblent parfois manquer de jugement», dit-elle.

«Une erreur grossière»

«C'est une erreur grossière», reconnaît Guy Gougeon, directeur général des Éditions Flammarion, distributeur de la collection au Québec. Comme cela arrive souvent, personne n'a vérifié l'expression avec des Québécois», déplore-t-il.

Il a eu vent du problème il y a un an, lorsqu'une autre enseignante s'est plainte aux Éditions Flammarion pour les mêmes raisons. À cette époque, M. Gougeon a avisé l'éditeur, de façon à ce que l'erreur soit corrigée si le livre est réimprimé.

Les exemplaires retirés

Le livre, huitième tome de la collection, est paru en 2008. Une centaine d'exemplaires ont été écoulés au Québec.

Depuis, quelques exemplaires sont vendus chaque année, si bien que la maison d'édition n'a pas cru bon de retirer les livres du marché. «J'aurais dû arrêter la commercialisation l'an passé», reconnaît aujourd'hui M. Gougeon, en soulignant qu'un seul exemplaire a été vendu depuis.

L'incident qui vient de se produire le pousse maintenant à retirer les cinq exemplaires qui restent en stock.

En France, l'éditrice Brigitte Roux s'est montrée surprise du tollé. «En France, ce mot n'a pas la même signification et nous n'avons pas eu de problème», dit-elle.