À la commission scolaire de Sorel-Tracy, tout le monde connaît l'école Martel. C'est l'école primaire la plus défavorisée du secteur, dont la clientèle n'est pas toujours facile. Ça ne se bouscule pas aux portes pour enseigner dans les classes adaptées.

Pourtant, les enseignants et les intervenants n'échangeraient pas leur place. Plusieurs sont là depuis de nombreuses années. Ils parlent de leurs élèves avec fierté.

«Parfois, ils nous en font baver, mais on les aime», lance Martin Latour, qui enseigne dans les classes de comportement depuis 12 ans.

Il travaille avec Stéphane Chrétien, technicien en éducation spécialisée. Cette classe, composée majoritairement de garçons, semble apprécier le fait d'avoir deux modèles masculins - une situation plutôt rare dans le milieu de l'éducation.

La plus grande fierté du personnel est de voir l'un des élèves quitter le Palier 3 pour retourner dans une classe régulière. «Il y a un avenir pour ces jeunes. Il s'agit juste de les remettre sur les rails», lance M. Latour. Il a en mémoire un ancien élève qui a travaillé comme mécanicien à la centrale Gentilly, maintenant fermée.

«Certains disent qu'il faut être un peu hyperactif pour être ici. Je l'étais moi-même», déclare de son côté Stéphane Vachon, professeur de musique. Il travaille autant avec les enfants des classes régulières que ceux des classes adaptées.

Dans son cours, les élèves jouent de la flûte à bec, mais s'initient aussi au djembé, à la batterie ou à la guitare électrique. Ils ont un plaisir évident.

Des hauts et des bas

Le quotidien n'est pas toujours facile pour autant. D'une minute à l'autre, personne ne sait ce qui peut arriver.

«Il arrive que je me demande pourquoi j'ai choisi cela. Il y a des hauts et des bas. Dans la même journée, il peut y avoir de moins belles périodes et de super belles, alors on s'accroche à cela», souligne une enseignante. Malgré tout, elle ne voudrait absolument pas travailler dans les classes ordinaires.

Bien plus que les crises, ce sont les situations familiales difficiles vécues par ces enfants qui font le plus mal.

Martin Latour n'a jamais oublié l'image de ces deux enfants, frère et soeur, emmenés séparément dans deux familles d'accueil, qui s'envoyaient la main par la vitre des voitures.

Maîtres de leurs classes, avec un groupe restreint d'élèves, les enseignants en adaptation scolaire ont le sentiment de compter pour leurs jeunes. Et l'inverse est aussi vrai.

Leurs élèves ont tous fait un séjour dans les classes régulières. Ils dérangeaient le groupe et se faisaient constamment rappeler à l'ordre, souligne Chantal St-Louis, directrice de l'école.

«Vouloir les maintenir à tout prix dans leur classe d'origine, ça fait en sorte qu'ils sont étiquetés. Ils sont toujours sortis de la classe. Ils reçoivent seulement du négatif, et leurs parents aussi. C'est difficile à vivre pour eux.»

Le but ultime est de les réintégrer dans une classe régulière. Parfois, ce n'est pas possible. Mais au moins, les enseignants espèrent allumer une petite étincelle afin qu'ils aiment l'école.