Avec le printemps érable, les étudiants ont posé des questions «fondamentales», auxquelles il faut répondre en organisant de véritables états généraux sur les universités, affirme le président du Conseil supérieur de l'éducation, Claude Lessard.

L'université a bien changé depuis une quinzaine d'années. Elle se tourne de plus en plus vers le business et l'entrepreneuriat. «On a fait une série de petits compromis et les étudiants nous ont réveillés. [...] Ils ont posé des questions fondamentales. Il faut les traiter», croit M. Lessard.

Il faisait partir d'une vingtaine de participants - représentants étudiants, recteurs, professeurs, élus - invités à débattre hier de leur vision de l'université dans le cadre du sommet «L'université publique du XXIe siècle», organisé par la Fédération québécoise des professeurs d'université (FQPPU).

Sur la question de la gouvernance des universités, «à l'évidence, la CREPUQ (Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec) et les recteurs ne sont pas capables de se réguler», a affirmé M. Lessard en faisant référence aux campus satellites qui ont ouvert et à la compétition que se livrent les universités entre elles.

Un «pilote» doit intervenir pour stopper cette dérive et c'est à l'État québécois que revient cette responsabilité. Or, il n'est pas en mesure de le faire puisque la fonction publique «est dans un état critique», car elle a perdu beaucoup de son expertise au cours des dernières années, déplore M. Lessard.

«Si on avait une fonction publique un peu plus solide, qui pouvait mieux analyser toutes les données que la CREPUQ donne, les députés seraient à même de poser les bonnes questions et de savoir si les réponses qu'ils reçoivent sont crédibles.»

Un prélude

Le sommet organisé par les professeurs d'université «se veut un peu le prélude», une sorte de répétition générale du sommet qui sera organisé par le gouvernement dans les prochaines semaines, a indiqué le président de la FQPPU, Max Roy.

«Il va servir à mettre au clair un certain nombre de questions et de principes qui sont pour nous essentiels lorsqu'on réfléchit à l'université.»

Comme le président du Conseil supérieur de l'éducation et plusieurs intervenants qui ont pris la parole hier, M. Roy réclame de véritables états généraux sur les universités.

La dernière réflexion en profondeur date du rapport Parent, en 1963, qui découlait de la Commission royale d'enquête sur l'enseignement au Québec. Les états généraux sur l'éducation, en 1996, ont laissé une très petite place à la question des universités.

Pour mener une réflexion constructive sur l'avenir et la mission des universités, la question du financement est cruciale, a pour sa part souligné le sociologue Guy Rocher.

«Je réclame une étude sérieuse, claire et nette sur le financement, le sous-financement ou le mal-financement des universités. Sans cela, nous allons continuer de nous affronter et ce que je crains, c'est que le forum [du gouvernement] n'aboutisse pas sur quelque forme d'orientations que ce soit.»

L'étude de la CREPUQ chiffrant le sous-financement des universités a été une nouvelle fois mise en doute hier.

«Le Québec est l'endroit au Canada où il y a le plus de dollars investis par étudiant», a lancé Gabriel Nadeau-Dubois, ex-porte-parole de la Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE).

«Quand on considère l'ensemble des dépenses, dont les fonds de recherche et les fonds d'immobilisation, c'est vrai qu'il y a plus d'argent», a expliqué plus tard M. Zizian en entrevue.

Cette donnée est imprécise, selon lui, puisque le Québec obtient une large part des fonds fédéraux pour la recherche, des fonds dédiés, a-t-il souligné en expliquant que l'étude de la CREPUQ se base plutôt sur les fonds de fonctionnement, qui donnent une image plus juste selon lui.

Le financement de la recherche, la place de l'entreprise privée, le retour d'un conseil des universités et, surtout, la diminution constante du nombre de professeurs ont aussi été au coeur des discussions.

Le nombre d'étudiants a considérablement augmenté, surtout aux études de 2e et 3e cycle. Pendant ce temps, le nombre de professeurs diminue, car ils sont remplacés par des chargés de cours.

Les tâches liées à l'enseignement et à la recherche augmentent, mais le nombre de professeurs-chercheurs diminue, a expliqué Michel Ubriaco, professeur, chercheur et auteur de nombreux documents sur le financement et la gestion des universités.