Le sentiment d'injustice est grand chez les responsables qui ont présenté des projets qui ont été écartés sans même être étudiés. En Montérégie, où 60% des projets auraient été jugés non admissibles, la colère gronde.

Directrice générale du CPE Les copains d'abord, France Bertrand est responsable de quatre installations totalisant 214 places et d'un bureau coordonnateur qui gère plus de 1000 places en milieu familial.

Elle a piloté un projet d'agrandissement de 33 places à McMasterville, où le manque de places est criant. Le projet a été classé non admissible en raison de certains manquements notés lors d'une inspection, déplore Mme Bertrand en précisant que tous les correctifs ont pourtant été apportés.

«Je gère 10,5 millions par année en fonds publics, je m'occupe de 1300 places, mon permis a été renouvelé sans condition et on me dit que je ne suis pas capable de gérer 33 places supplémentaires!», lance-t-elle d'une voix remplie de colère. Elle rappelle que son CPE a gagné des prix pour la qualité de sa gestion et son travail auprès des enfants en difficulté.

La préparation des projets soumis a demandé beaucoup d'énergie, rappellent les gestionnaires. Selon les endroits, des ententes ont été conclues pour l'achat d'un terrain, des travaux de décontamination ont été amorcés, des plans d'architecte ont été produits.

«Je n'ai aucun problème à ce qu'un projet soit choisi parce qu'il est meilleur que le mien, déclare Mme Bertrand. Mais que notre projet ne soit même pas lu, qu'il soit tassé complètement parce que nous avons eu une inspection, ça n'a pas de sens.»

Dans son guide préparatoire à l'intention des demandeurs de projet, le ministère de la Famille présente les critères d'admissibilité. Il précise que certains manquements relevés de façon récurrente au cours d'une inspection peuvent jouer en défaveur d'un projet.

Cette politique concernant les inspections va trop loin, affirme la directrice générale du Regroupement des CPE de la Montérégie, Claudette Pitre-Robin. «On ne parle pas [dans les projets rejetés] de quelque chose qui met la vie ou la sécurité des enfants en danger.»

Les CPE sont d'ailleurs en litige depuis plusieurs mois avec le ministère de la Famille concernant les inspections qu'ils jugent trop rigides. À titre d'exemple, cite Mme Pitre-Robin, du sable dans les marches d'une table à langer a été noté comme un manquement, sans tenir compte du fait que l'enfant arrivait de jouer dans le carré de sable dehors.

«Plusieurs directions sont blessées et outrées par le processus d'attribution des nouvelles places. C'est comme une atteinte personnelle pour elles», ajoute-t-elle.

À Saint-Jean-sur-Richelieu, le directeur général du CPE Le petit monde de Caliméro, Alain Beaudoin, est lui aussi désemparé.

Plus de 3200 enfants sont en attente d'une place dans cette région. Les quatre projets qu'il a soumis ont été rejetés d'office parce que des manquements ont été notés lors d'une inspection. M. Beaudoin affirme qu'il s'est pourtant assuré auprès du ministère de la Famille que son dossier était correct avant de se lancer.

Le CPE devait initialement déménager. Un terrain financé par le Ministère au coût de 250 000$ avait été acquis. Puis, le Ministère a annulé le déménagement. L'inspection est survenue à ce moment, déclare M. Beaudoin.

Dans le contexte de l'appel d'offres en cours, l'un des quatre projets proposait la construction d'une installation sur le terrain déjà acheté et inoccupé. «On ne sait même pas ce qu'on nous reproche, on n'a jamais eu d'avis de non-conformité», dit-il. Il a fait une demande de révision au ministère de la Famille il y a un mois. Il attend une réponse.

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Éviter le cauchemar de 2008

La ministre de la Famille, Yolande James, a promis plus de transparence dans l'attribution de 15 000 nouvelles places en service de garde. Pas question de revivre le cauchemar de 2008.

Dans un récent rapport, le vérificateur général a critiqué le gouvernement pour avoir manqué de rigueur et «laissé une trop grande place à la subjectivité». Lors de l'attribution de 18 000 places à 7$, en 2008, la ministre de l'époque, Michelle Courchesne, est allée à l'encontre des recommandations des fonctionnaires pour 21% des projets retenus.

Certains d'entre eux provenaient de donateurs libéraux. Cette fois, des comités consultatifs ont été mis en place dans chaque région pour évaluer les projets. Mme James s'est engagée à sélectionner tous les projets qui lui seront recommandés.