Impossible à imaginer au début de la grève, l'annulation du trimestre est une hypothèse qui commence à circuler dans le milieu collégial. Mais personne ne veut pour le moment envisager ce scénario qui serait catastrophique.

Plusieurs personnes bien au fait du dossier ont confirmé sous le couvert de l'anonymat que le scénario d'une annulation de trimestre ou d'un abandon de cours sans mention d'échec commence à être évoqué comme solution si les cégépiens ne retournent pas en classe d'ici à la mi-mai.

C'est à la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, que reviendrait cette prérogative qui n'a jamais été utilisée à ce jour. «Nous recevons des signaux qu'il devient très difficile d'effectuer les réaménagements, mais nous n'avons pas encore reçu de demande officielle pour une annulation», indique Hélène Sauvageau, attachée de presse de la ministre.

Encore 82 jours de cours

Chose certaine, des «mesures exceptionnelles» devront être mises en place pour permettre aux cégépiens de suivre les 82 jours de cours et d'évaluations obligatoires, reconnaît le président de la Fédération nationale des enseignants (FNEEQ-CSN), Jean Trudelle.

Des scénarios prévoient de repousser le calendrier jusqu'au 30 juin en donnant des cours le soir et le samedi. Des directions envisagent aussi de terminer le trimestre d'hiver à la mi-août. Elles devront toutefois négocier des ententes avec les professeurs.

«On continue d'espérer une sortie de crise suffisamment rapide parce que si les trimestres sont annulés, ça va être le chaos», affirme M. Trudelle en rappelant que de nombreux cégeps sont pleins.

Chaque jour de grève accentue la pression. «Il n'existe plus de bon scénario. Il s'agira de choisir le moins mauvais», lance une source bien informée. Les directions des cégeps les plus touchés par la grève ont discuté des scénarios envisageables.

«Les gens sont lucides», reconnaît la responsable des communications au cégep Saint-Laurent, Carole Poirier, au sujet d'une annulation de trimestre. «On est conscients que ce nuage approche, mais on n'est pas totalement en dessous pour le moment.»

Les répercussions de la grève risquent de se faire sentir pendant un an, voire deux, reconnaissent plusieurs. En terminant le trimestre en août, il faudra décaler le trimestre d'automne, ce qui retardera l'arrivée des diplômés du secondaire. Le trimestre de l'hiver 2013 serait aussi décalé, et cela pourrait compromettre un emploi l'été prochain pour certains.

La direction du cégep André-Laurendeau, où il reste 10 semaines de cours à donner, espère toujours terminer le trimestre le 30 juin. Si la grève est reconduite ce matin, ce ne pourra être fait.

«Nous serons obligés de considérer l'hypothèse du mois d'août et c'est clair que rendu là, on tombe dans une autre série de problèmes», affirme le directeur général, Hervé Pilon.

Le directeur général du cégep Édouard-Montpetit, Serge Brasset, arrive aux mêmes conclusions. Si le retour en classe ne se fait pas avant le 14 mai, le trimestre ne pourra être terminé au 30 juin.

«Des drames personnels»

Les dommages collatéraux de la grève sont nombreux, souligne M. Brasset. Des cégépiens risquent de ne plus être admis dans certains programmes universitaires contingentés. «Ceux qui m'inquiètent sont ceux qui devaient terminer et qui ne termineront pas. Ce sont des drames personnels.»

Plusieurs craignent un taux de décrochage élevé. Des jeunes vont opter pour le marché du travail ou une année sabbatique plutôt que de terminer leur trimestre.

Déjà, ils sont moins nombreux à participer au vote dans les assemblées générales. «On est tellement rendus loin dans le trimestre que certains ne pensent plus revenir. On risque d'avoir beaucoup d'abandons», déplore le directeur général du Collège de Valleyfield, Guy Laperrière.