La ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, demande aux cégeps et aux universités de prendre «toutes les mesures nécessaires pour que les cours se donnent». Qu'importe si des étudiants et des élèves les boycottent. Elle appuie le Collège de Valleyfield qui force le retour en classe aujourd'hui, une première.

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La direction a décidé de reprendre les cours même si une majorité des 2000 cégépiens ont voté pour la poursuite de la grève, qui en est à sa neuvième semaine.

«C'est totalement inacceptable», a tonné mercredi Gabriel Nadeau-Dubois, président de la Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE). Des élèves vont bloquer les entrées du cégep ce matin. «Si le gouvernement de Jean Charest veut mettre le feu aux poudres, augmenter la tension dans les campus, il est sur la bonne voie», a-t-il soutenu.

Le Collège a «rehaussé les mesures de sécurité». Son directeur, Guy Laperrière, ne se fait pas d'illusions: «c'est très peu probable» que des cours aient lieu aujourd'hui. Il espère toutefois que le calme reviendra les jours suivants pour permettre de terminer le trimestre.

Selon Line Beauchamp, la décision du Collège «respecte l'encadrement légal auquel il est assujetti. Toutes les mesures doivent être prises pour que les cours se donnent».

 

Mardi, la ministre a rencontré la Fédération des cégeps et la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ). Elle leur a rappelé qu'en vertu de la loi, les établissements doivent offrir les cours, même si des étudiants et élèves décident de ne pas y assister. Car ceux qui veulent les suivre ont des droits, a-t-elle soutenu. «Les résultats des injonctions prises par des étudiants vont tous dans ce sens. Et on est aussi devant la possibilité qu'un recours collectif soit intenté.» «On n'est pas devant une grève encadrée par des lois comme dans le domaine du travail. C'est plutôt un mouvement de boycott», a-t-elle ajouté.

Les universités ne peuvent offrir les cours visés par un boycottage pour le moment, car elles ne peuvent garantir la sécurité du personnel en raison des piquets de grève, a expliqué le président de la CREPUQ, Daniel Zizian. Les établissements évaluent au quotidien les mesures à prendre pour que les cours puissent être offerts. L'Université de Montréal a d'ailleurs déposé une injonction hier pour demander le libre accès aux immeubles. Elle avait fixé au 10 avril la date butoir pour garantir que le trimestre puisse être terminé d'ici au 15 juin.

La Fédération des cégeps estime qu'elle répond déjà à l'appel de la ministre en préparant, comme la CREPUQ, des scénarios de reprise de cours d'ici à la fin du mois de juin. Mais «autour de la semaine prochaine», «même avec tous les samedis, les soirées et les matinées», les établissements ne parviendront pas à respecter l'obligation de donner 82 jours de cours et d'évaluation durant le trimestre, a souligné sa directrice des communications, Caroline Tessier. Selon elle, des cégeps pourraient emboîter le pas au Collège de Valleyfield. D'autres envisagent de reporter le début du trimestre d'automne pour permettre de terminer celui de cet hiver au cours du mois d'août.

«Comme la ministre, on est préoccupés par les effets du boycottage s'il perdure encore longtemps. Cependant, les cégeps sont devant un dilemme. D'un côté, ils doivent tenter de répondre aux besoins des élèves qui souhaitent recevoir l'enseignement auquel ils ont droit. Et de l'autre, ils doivent remplir leur obligation quant à la sécurité des personnes et des biens», a expliqué Mme Tessier.

Line Beauchamp a rappelé que, selon la loi, les enseignants des cégeps «doivent être disponibles» pour donner les cours. Mais leur sécurité doit être assurée, réplique la CSN, qui représente les enseignants du Collège de Valleyfield. Et «s'il y a des piquets de grève, on ne va pas les forcer pour rentrer au travail», a indiqué la porte-parole de la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ-CSN), France Désaulniers. Selon le président Jean Trudelle, les enseignants se retrouvent «entre l'arbre et l'écorce»: «S'ils respectent les directives de leur employeur et dispensent leurs cours, ils font fi d'une décision prise de façon démocratique par leurs étudiants.» Il estime que l'attitude «hautement irresponsable» de la ministre «risque de générer des affrontements». Rappelons que la CSN s'est prononcée contre la hausse des droits de scolarité.

Environ 178 000 étudiants et cégépiens, soit 35% du nombre total, sont toujours en grève générale illimitée. Line Beauchamp a toutefois précisé qu'»une majorité d'étudiants d'une majorité d'établissements» suivent leurs cours normalement. Elle reste toujours aussi «ferme» sur la hausse des droits de scolarité.