Des dizaines de milliers d'étudiants et de cégépiens en grève. Des perturbations économiques. Des manifestants bloquant le port de Montréal, le pont de la Concorde et la permanence du Parti libéral. Il ne s'agit pas de l'actuelle grève étudiante, mais de celle de 2005.

En sept ans, le Québec aura connu deux printemps étudiants. Deux mouvements aux causes différentes, mais avec un résultat similaire: des semaines de perturbations.

En 2005, les étudiants et les cégépiens sont descendus dans la rue pour protester contre des coupes de 103 millions dans le régime de bourses.

Cette fois, les étudiants manifestent contre la hausse «brutale» des droits de scolarité qui passeront de 2168$ à 3793$ par année en 2016-2017.

Un débat plus large et englobant qu'en 2005, estime le porte-parole de la Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), Gabriel Nadeau-Dubois.

«La grève est en train de s'élargir et d'aborder des problèmes de société plus larges sur le rôle de l'éducation et le rôle des universités», croit-il.

Cette année, les étudiants ont sorti les pancartes et commencé à déserter les salles de cours le 14 février. Le mouvement en est aujourd'hui à sa 44e journée de grève. En 2005, la grève avait duré 52 jours.

Six semaines après le début de la grève, plus de 200 000 étudiants et cégépiens sont toujours en grève, rappelle la présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), Martine Desjardins.

«Le plateau d'étudiants est plus élevé qu'en 2005. Le mouvement est clairement plus fort», lance-t-elle.

Dialogue rompu

Mais une différence est notable entre les deux grèves. En 2005, les canaux de communication sont restés ouverts entre le gouvernement et les étudiants.

Nommé à peine quelques jours avant le déclenchement de la grève, le ministre de l'Éducation de l'époque, Jean-Marc Fournier, a même fait quelques offres aux étudiants avant d'en arriver à une entente de principe.

Cette fois, le dialogue est tout à fait rompu, et ce, depuis longtemps. La ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, a expliqué à plusieurs reprises que les étudiants avaient choisi de quitter une rencontre portant sur le financement des universités, en décembre 2010, fermant la porte à toute discussion. Elle a aussi répété qu'il n'y a pas lieu de négocier avec des organisations qui réclament soit le gel des droits de scolarité, soit la gratuité.

Le conflit semble maintenant atteindre un point de non-retour, malgré, cette semaine, une timide ouverture du premier ministre Jean Charest qui a évoqué une possible bonification du régime de prêts et bourses.

Plusieurs voix s'élèvent par ailleurs pour mettre en garde le gouvernement contre une radicalisation du mouvement si le conflit ne se règle pas.

Les actions se sont d'ailleurs multipliées dans la province au cours de la dernière semaine.

La manifestation d'envergure de la semaine dernière - qui a réuni entre 100 000 et 200 000 personnes selon les estimations - s'est déroulée dans le calme, mais n'a pas trouvé d'écho auprès du gouvernement, souligne le président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), Léo Bureau-Blouin.

«C'est sûr que lorsqu'on retourne dans nos assemblées et qu'on demande à nos membres de rester pacifiques, c'est notre crédibilité qui en prend un coup. Le gouvernement force les étudiants à envisager des moyens de pression plus forts», dit-il.

Il est évident que le mouvement va se radicaliser, croit quant à lui Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de la CLASSE.

«Ça va faire sept semaines que les gens font des sacrifices académiques en espérant ouvrir un dialogue avec les libéraux et les libéraux refusent même de discuter.»

Comment tout cela va-t-il finir?

En 2005, la grève étudiante a fini en queue de poisson au bout de sept semaines. À contrecoeur, les étudiants ont ratifié une entente de principe qui prévoyait le retour de 482 des 618 millions de dollars en bourses sur six ans. Rien n'était toutefois prévu pour la première année de l'entente.

«Nous avons réussi à faire reculer le gouvernement sur l'essentiel, c'est-à-dire le retour des prêts et bourses, mais sur deux ans», se souvient le président de la FEUQ à l'époque, Pier-André Bouchard St-Amant.

En 2005, la CLASSE a toutefois été exclue de la table de négociation. Une situation qui a causé de vives tensions avec la FEUQ et la FECQ, et même entraîné des représailles à l'endroit de M. Bouchard St-Amant.

Cette fois, les trois organisations étudiantes affirment s'être entendues pour que toutes trois soient présentes à une hypothétique table de négociation.

On a toutefois pu voir des signes évidents de divergences au sein des associations le 22 mars, lorsque le temps des discours de clôture est venu.

«Il y a des détails sur lesquels ça accroche, mais globalement, on s'entend sur les objectifs, assure toutefois le président de la FECQ, Léo Bureau-Blouin.

Les associations ne doivent pas donner la chance au gouvernement de jouer la carte de la dissension, ajoute la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins. «On s'entend sur l'objectif final qui est d'annuler la hausse.»