Des rêves? Lorsqu'ils arrivent à l'école Pierre-Dupuy, bien des élèves n'en ont pas. Ils connaissent au quotidien la misère, la violence, la pauvreté et, pour eux, rêver n'est pas permis.

Dans sa classe, Mélanie Langlais voit défiler des élèves dont les parents n'ont pas de diplôme secondaire. Qui ont quitté l'école à 14 ans et qui tirent, tant bien que mal, leur épingle du jeu.

Leurs enfants ont parfois l'impression qu'ils ne peuvent faire autrement que de reproduire le même parcours, raconte l'enseignante de géographie et d'histoire.

«Ça arrive souvent que le parent dise que parce qu'il n'était pas bon à l'école, son enfant ne le sera pas. Nous essayons de défaire cette tendance. Je dis à mes élèves qu'ils sont uniques, que c'est leur vie à eux. Je ne leur demande pas d'aller au cégep ou à l'université. Je leur demande seulement de se donner la chance de se choisir un métier.»

Tous les élèves ne se trouvent pas dans cette situation. Mais il reste que le quartier Sainte-Marie-Saint-Jacques, où est située l'école, est très défavorisé.

En 2004, la Table des partenaires pour la persévérance scolaire à Montréal a dressé le portrait de la clientèle du quartier. Plus de 58% des enfants vivent dans une famille monoparentale. Près d'une personne sur cinq a arrêté l'école en deuxième secondaire ou avant, ce qui est plus élevé que partout à Montréal ou dans le reste du Québec.

Le revenu moyen est plus bas qu'ailleurs à Montréal et le nombre de prestataires de l'aide sociale est plus élevé.

Mais surtout, les élèves qui viennent de ces familles souvent dysfonctionnelles se retrouvent avec d'importantes carences affectives. Pour eux, l'école représente une deuxième famille.

«Le moindrement qu'on s'occupe d'eux, qu'on leur montre qu'ils sont importants, on dirait qu'ils prennent goût. L'école devient pour eux une petite maison», raconte Mme Langlais.

Depuis quelques années, les changements au sein de l'école se répercutent par ailleurs dans les familles. Les parents sont plus engagés, ils assistent aux réunions et sont informés dès qu'un problème se présente. Les organismes communautaires du quartier sont aussi mis à contribution.

Dans une petite école de moins de 500 élèves, les liens sont tricotés serré, explique Chantal St-Louis, qui enseigne à Pierre-Dupuy depuis 16 ans.

Le personnel sent qu'il peut faire une différence auprès des élèves, dit-elle. «L'avantage dans une petite école comme la nôtre, c'est qu'on talonne les élèves, on les connaît tous, on connaît leurs frères, leurs soeurs, on peut intervenir. C'est un avantage important.»

Et l'école continue d'innover, pour tenter de s'adapter à la réalité de sa clientèle. Ainsi, plusieurs élèves sont obligés de travailler. Dans certains cas, leur revenu aide même à faire vivre la famille.

«C'est risqué. On comprend la situation, mais on sait aussi que dès qu'un élève travaille plus de 20 heures, il est à risque de décrocher», lance la directrice Ginette Rioux.

L'école réfléchit donc à un projet d'alternance travail-études pour permettre aux élèves de gagner de l'argent sans quitter l'école. Un projet à suivre.