La croissance accélérée des services de garde à contribution réduite accentue la pénurie d'éducatrices. À tel point que certaines régions ont de la difficulté à respecter le ratio de deux éducatrices formées sur trois, comme l'exige le gouvernement.

«Montréal a de la difficulté à respecter ce ratio dans tous les centres de la petite enfance (CPE), surtout quand il y a des départs pour des congés de maternité. Les remplacements sont souvent difficiles. Celles qui ont un diplôme ont le choix de travailler où elles veulent», explique Luc Allaire, conseiller à l'action professionnelle à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui représente 3300 éducatrices en installation et 12 000 en milieu familial. La situation est pire dans les garderies, ajoute M. Allaire.

La croissance accélérée du réseau des services de garde va accentuer ce manque de personnel, souligne de son côté Louise Labrie, représentante des travailleurs des CPE pour la Fédération de la santé et des services sociaux (CSN), qui compte 9500 travailleurs dans les services de garde en installation.

«Le fait de développer 15 000 nouvelles places va être problématique parce que, actuellement, les remplacements sont difficiles. Avant, c'était le cas en mars parce que les travailleuses n'avaient pas fini de prendre leurs congés et devaient le faire avant la fin de l'année financière, mais maintenant, c'est compliqué toute l'année.»

Le respect des ratios et la difficulté de recrutement varient selon les régions. La situation est difficile dans la grande région de Montréal tandis qu'à Québec, plusieurs CPE présentent un ratio de trois éducatrices formées sur trois, précise Mme Labrie.

Le ministère de la Famille n'est pas en mesure de confirmer qu'une pénurie se dessine, indique Geneviève Hinse, l'attachée de presse de la ministre Yolande James. Les chiffres disponibles au 31 mars 2011 indiquent seulement qu'il y a 13 680 éducatrices qualifiées et 3759 non qualifiées dans les CPE. Les garderies privées comptent dans leurs rangs 4080 éducatrices qualifiées contre 2270 non qualifiées.

Vérificateur général

Préoccupé par le défi d'attraction et de rétention du personnel, le Ministère a toutefois mis en place cet automne un comité réunissant les milieux de l'éducation et des services de garde, différents ministères et les syndicats.

«C'est la première fois qu'on réunit tout le monde autour de la table pour regarder la problématique de l'attraction, de la rétention et de la qualification de la main-d'oeuvre», déclare Mme Hinse.

Dans son récent rapport, le vérificateur général s'inquiétait d'une pénurie d'éducatrices. Il estimait en outre qu'en 2008-2009, seulement 42% des garderies privées subventionnées respectaient le ratio imposé tandis qu'en 2009-2010, ce pourcentage était passé à 54%.

Les CPE doivent se conformer au ratio de deux éducatrices formées sur trois depuis 2001. Les garderies privées qui ont ouvert avant le 30 août 2006 avaient jusqu'en août 2011 pour s'y conformer. Les garderies qui ont ouvert après cette date, qu'elles soient subventionnées ou non, ont cinq ans pour se conformer à la directive.

Plusieurs éducatrices qui travaillent actuellement dans les services de garde souhaitent obtenir leur qualification en faisant une attestation d'études collégiales (AEC). Mais le budget alloué par Québec pour la formation continue au collégial est limité, si bien que les cégeps se retrouvent avec de longues listes d'attente dans plusieurs programmes.

«La très grande majorité des collèges qui offrent l'AEC de technique d'éducation à l'enfance ont effectivement des listes d'attente», confirme la responsable des communications à la Fédération des cégeps du Québec, Caroline Tessier.

La ministre réagit

La ministre de la Famille, Yolande James, réagit par ailleurs aux critiques de gestionnaires de services de garde qui dénoncent le processus actuel d'appels d'offres pour l'attribution de 15 000 nouvelles places à 7$.

Ils affirment dépenser temps et argent inutilement puisque le Ministère n'a pas ciblé les territoires où il y a des besoins. Le nombre de places alloué est seulement connu par région.

«Ce n'est pas un oubli ou par manque de transparence, mais pour donner la souplesse nécessaire aux comités consultatifs de prendre les décisions», explique Mme James.

Les membres de ces comités consultatifs sont les mieux placés, soutient-elle. «Je comprends que ce n'est pas satisfaisant pour tout le monde, mais on ne peut pas dire que ce n'est pas un processus rigoureux.»