Pionnière de l'apprentissage intensif de l'anglais au primaire, l'école Le Sentier, de Laval, saborde son programme au moment même où le gouvernement Charest veut l'étendre à toute la province. Son maintien est apparemment incompatible avec les nouvelles cibles de diplomation fixées par le ministère de l'Éducation.

«D'après notre analyse des résultats, plusieurs élèves étaient en situation d'échec ou en voie de l'être. Pour consacrer plus d'heures à l'apprentissage de l'anglais, ils doivent voir les autres matières en moins de temps, ce qui exige plus d'efforts», justifie le porte-parole de la Commission scolaire de Laval, Jean-Pierre Archambault. «Un élève en difficulté au primaire le sera aussi au secondaire», ce qui peut mettre en péril l'obtention de son diplôme, prend-il soin de préciser.

Or, «à la commission scolaire, on a des cibles à atteindre pour faire réussir nos élèves. Ça fait deux ans qu'on a cela en tête, qu'on travaille avec les écoles pour cheminer», indique M. Archambault, en assurant qu'il n'y a pas vraiment de grogne parmi les parents.

D'après notre coup de sonde, la majorité des parents ont pourtant réclamé le maintien de l'anglais intensif. Certains ont écrit au commissaire scolaire. Plusieurs ont protesté au conseil d'établissement. «Nous avons même préparé une pétition, que nous n'avons pas fait signer parce qu'il était trop tard pour que l'école recule, mais nous allons la relancer au début de l'année prochaine», nous a confié une mère.

«En abolissant un programme en place depuis 25 ans, on perd notre avance, on cesse d'être une école modèle, déplore une autre mère. Quand il faudra le réimplanter pour répondre aux exigences du gouvernement, il n'y aura plus d'aussi bons profs disponibles puisqu'il y a une pénurie de profs d'anglais.»

«Les membres du conseil d'établissement [...] croient qu'il est mieux d'attendre «le comment» tout va se dérouler éventuellement, indique néanmoins un courriel du commissaire Raynald Hawkins. Ils considèrent pour l'instant que la priorité doit être orientée sur la réussite des élèves, et ce, en fonction des matières comme le français et les mathématiques.»

D'après M. Archambault, tout pourrait changer en 2012-2013. «Je ne dis pas que l'an prochain, la décision ne sera pas différente. On est loin d'être contre le programme d'anglais intensif. Notre décision tient compte de la réalité du milieu.»

Quoi qu'il arrive, Jean Charest veut que, d'ici cinq ans, tous les petits francophones de sixième année consacrent la moitié de leur année à l'apprentissage intensif de l'anglais. Cette annonce, faite en février dernier, a suscité de vives réactions. Plusieurs parents ont applaudi. D'autres se sont inquiétés ou indignés de la place réservée au français. Les enseignants se sont aussi demandé comment ils parviendraient à enseigner les matières de base en deux fois moins de temps.

Depuis trois ans, deux commissions scolaires du Saguenay-Lac-Saint-Jean offrent l'anglais intensif à presque tous leurs élèves de sixième et les résultats sont excellents, assure la Société pour la promotion de l'enseignement de l'anglais, langue seconde, au Québec.

Dans la grande région de Montréal, ces programmes sont en tout cas extrêmement populaires. Les parents s'arrachent les rares places offertes dans moins d'une trentaine de classes parmi les centaines d'écoles primaires de l'île.