Québec soupçonne le vice-président de l'Association des garderies privées, Samir Alahmad, de surfacturer les services de l'une de ses entreprises subventionnées, le Royaume magique, à Mascouche.

Un parent a porté plainte au ministère de la Famille il y a déjà près d'un an. Le Royaume magique forcerait les parents à payer 5$ de plus par jour pour des heures supplémentaires de garde qu'ils n'utilisent pas, car ils n'en ont pas besoin.

Samir Alahmad nie cette allégation, mais les inspecteurs du Ministère ont fait des constats troublants lundi dernier. Une enquête est en cours.

Une garderie subventionnée ne peut exiger plus de 7$ par jour, sauf dans des cas exceptionnels prévus à la loi. En contrepartie de cette somme, les parents ont droit à un maximum de 10 heures de garde par jour. S'ils ont besoin de plus, la garderie peut facturer un supplément à certaines conditions.

Or, selon la plainte, le Royaume magique «ne laisse pas le choix aux parents de signer une entente» dans laquelle ils demandent une heure et demie de plus par jour au coût de 5$.

Le plaignant aurait protesté au moment de la signature de l'entente. Comme la direction l'aurait menacé de lui retirer sa place, il a signé.

Le plaignant n'a pas voulu accorder d'entrevue à La Presse. Mais un parent à qui il s'est confié, dont l'enfant fréquente le Royaume magique, a confirmé l'affaire. Il a témoigné sous le couvert de l'anonymat par crainte de représailles.

Il a lui-même signé l'entente sur les heures supplémentaires. Selon lui, la direction avait rempli le formulaire avant de le rencontrer. Il n'a jamais fait de demande d'heures supplémentaires. Il a besoin de 9 heures de garde «au maximum», mais il paie 12$ par jour malgré tout.

Plainte non traitée

La Presse a informé le ministère de la Famille de la situation la semaine dernière. Deux jours plus tard, un porte-parole a reconnu que la plainte, portée il y a près d'un an, n'avait toujours pas été traitée. «Je suis obligé de faire un mea-culpa. C'est clair que le traitement de la plainte est arrivé hors délai», a affirmé Étienne Gauthier.

Les inspecteurs se sont finalement rendus au Royaume magique lundi - une visite planifiée avant les appels de La Presse, selon M. Gauthier. Les inspecteurs ont constaté que les parents de 76 des 80 enfants de la garderie ont signé l'entente pour obtenir une heure et demie de plus par jour au coût de 5$. Tous ces parents feraient donc garder leur enfant onze heures et demie chaque jour, à longueur d'année. «Disons que ça suscite certaines questions chez nous, a lancé M. Gauthier. Est-ce que les parents utilisent vraiment plus de 10 heures? Est-ce qu'ils ont réellement ce besoin-là?»

Il a souligné que l'entente sur les heures supplémentaires est légale uniquement si «le parent qui en bénéficie l'utilise vraiment et qu'elle répond réellement à ses besoins». Notons que peu de parents ont besoin de plus de 10 heures par jour. Les ententes en ce sens sont plutôt rares dans le réseau des garderies.

«On ne peut pas conclure tout de suite à la surfacturation» au Royaume magique, mais les résultats de l'inspection commandent une analyse plus poussée du dossier, a reconnu Étienne Gauthier.

Selon le Ministère, Samir Alahmad n'était pas au courant de l'inspection. Il s'est présenté à la garderie après avoir reçu l'appel d'une employée, au moment où les inspecteurs demandaient des documents, notamment les ententes de service. «Au début, il (Samir Alahmad) a manifesté de la réticence à nous transmettre ces documents. Mais ensuite, il a dit vouloir collaborer avec nous. On attend les documents pour continuer nos vérifications», a indiqué Étienne Gauthier.

«Pas notre style»

M. Alahmad possède trois garderies privées; sa conjointe et sa fille sont également propriétaires d'autres établissements. «On n'a jamais, au grand jamais, forcé un parent à signer», a-t-il dit à La Presse la semaine dernière, donc avant l'inspection. «On remplit le contrat en présence du parent. Il n'y a rien de prérempli. On est très fermes là-dessus. Si un parent veut changer son offre de service, on peut la changer sans problème. Ce n'est pas notre style d'intimider ou de faire des menaces.»

Il a dit ignorer combien de parents demandent des heures supplémentaires au Royaume magique. Il a toutefois assuré que la garderie avait accédé à la demande de quelques parents qui voulaient résilier l'entente.

Le nom de Samir Alahmad a fait surface à l'Assemblée nationale en décembre 2009, au moment de la controverse sur le possible favoritisme dans l'attribution de nouvelles places à 7$. Le PQ avait souligné que M. Alahmad, sa conjointe et ses deux filles avaient versé plus de 24 000$ à la caisse libérale depuis 2003 et que Lara, l'une des filles de M. Alahmad, avait obtenu, en août 2008, 140 places subventionnées pour ses deux projets de garderie. M. Alahmad a toujours nié ces allégations et fait valoir que ses trois premières garderies ont été autorisées en 2004 en vertu d'un système mis en place par le gouvernement péquiste.

L'Association des garderies privées du Québec compte près de 300 membres. Il existe environ 600 garderies privées subventionnées au Québec.