Québec débusque de plus en plus de garderies illégales. Au cours des cinq dernières années, ses inspecteurs ont pris en défaut 479 établissements qui accueillaient plus de six enfants sans avoir de permis, a appris La Presse.

Le nombre de délinquants démasqués augmente d'année en année. Le ministère de la Famille a découvert deux fois plus de garderies clandestines l'année dernière que trois ans auparavant: 120 en 2009-2010 contre 62 en 2006-2007. D'avril à décembre derniers - les statistiques les plus récentes -, il en a débusqué 103. Il s'agit aussi bien de garderies qui se trouvaient dans des maisons privées que dans des locaux commerciaux, selon le Ministère.

Bien entendu, ces statistiques ne donnent pas la pleine mesure du phénomène des garderies illégales. Elles ne font état que des personnes prises en défaut.

Mais un simple calcul permet de constater que des milliers d'enfants se sont retrouvés dans des garderies qui fonctionnent sous le radar, sans aucune surveillance.

Rappelons qu'en vertu de la loi, toute personne qui garde plus de six enfants doit obtenir un permis du ministère de la Famille, même si elle ne reçoit pas de subventions pour offrir des places à 7$ par jour. Elle est ainsi tenue de respecter toute une série de règles, en matière de santé et de sécurité par exemple.

Désespoir des parents

Les garderies illégales peuvent rapporter gros à leurs propriétaires peu scrupuleux, qui profitent bien souvent du désespoir de parents à la recherche d'une place. Mais elles peuvent également coûter cher aux contribuables. Certaines vont en effet jusqu'à remettre des reçus aux fins d'impôt. Les parents peuvent donc obtenir un remboursement d'une bonne partie de leurs frais de garde grâce au crédit d'impôt provincial. Celui-ci est administré par un autre organisme que le ministère de la Famille, Revenu Québec, ce qui rend plus ardue la chasse aux délinquants.

La ministre de la Famille, Yolande James, a eu des échanges avec Revenu Québec sur le sujet, souligne son attachée de presse, Geneviève Hinse. «La situation est complexe. Ce n'est pas aussi simple que de dire: on prend nos listes et on les compare. Il y a des informations confidentielles dans tout ça. Et beaucoup de choses entrent dans le crédit d'impôt, les garderies, mais aussi les camps durant la relâche ou l'été par exemple.»

Les 479 garderies se sont finalement toutes conformées à la loi à la suite de l'intervention des inspecteurs, selon le porte-parole du ministère de la Famille, Étienne Gauthier. Certaines ont décidé d'accueillir moins de six enfants, les autres ont décidé d'obtenir un permis. Or, La Presse a fait état depuis décembre de la fermeture d'au moins deux garderies qui n'avaient pas de permis. Dans les deux cas, des parents prenaient la défense des propriétaires, déplorant le manque de places dans le réseau de services de garde.

Plaintes

Lorsqu'il débusque une garderie illégale, le Ministère remet au propriétaire un avis de non-conformité qui lui donne 10 jours pour respecter la loi - des délais supplémentaires sont parfois accordés. Le Ministère peut forcer la fermeture de la garderie si le propriétaire est récalcitrant.

Si Québec découvre de plus en plus de garderies illégales, c'est en bonne partie parce que les plaintes s'accumulent.

Selon les chiffres obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, 99 établissements étaient visés par des plaintes pour garde illégale d'enfants en 2006-2007 contre 238 en 2009-2010. Certaines plaintes étaient non fondées, ce qui explique pourquoi le nombre d'établissements visés par les plaintes est plus élevé que celui des garderies illégales débusquées.

Sans indiquer le nombre de plaignants, Québec confirme que plus de gens dénoncent des présumées garderies clandestines. Il hésite toutefois à affirmer que les garderies illégales sont en croissance, soulignant que, par définition, le phénomène a cours à son insu. Selon Geneviève Hinse, les Québécois se plaignent plus parce qu'ils sont mieux informés.

«On a une certaine hausse du nombre de plaintes, c'est sûr. Mais ultimement, ce qu'il faut voir, c'est si, une fois qu'on a une plainte, on est capable d'agir et si on fait en sorte que la garderie se conforme ou ferme.» Et la conclusion, c'est qu'«on est capable de les amener à se conformer», plaide Mme Hinse.

La hausse des plaintes a convaincu la ministre Yolande James de se donner «les outils pour lutter contre les garderies illégales». Parmi les mesures prévues dans une loi adoptée en décembre et visant à resserrer l'encadrement des garderies, Québec a doublé les amendes relatives à la garde illégale d'enfants. Le minimum s'élève maintenant à 1000$, le maximum à 10 000$.

Le nombre d'inspecteurs a triplé, passant de 18 à 58. Ils peuvent désormais donner des constats d'infraction sur-le-champ.

Le Parti québécois avait proposé un amendement afin de permettre au gouvernement de fermer immédiatement toute garderie sans permis qui accueillerait le double du maximum d'enfants prévu à la loi (donc plus de 16). Yolande James a refusé. Son attachée de presse déplore de son côté que l'opposition officielle ait voté contre le projet de loi en décembre.

Lors de la campagne électorale de 2008, les libéraux avaient promis la création de 15 000 nouvelles places à 7$. Il n'a toujours pas lancé d'appels d'offres. Le premier ministre Jean Charest n'a pas soufflé mot de cet engagement dans son discours d'ouverture de la session parlementaire, la semaine dernière, un discours qui a fixé les priorités de son gouvernement pour la fin de son mandat.

-Avec la collaboration de William Leclerc