Ottawa a mis Québec dans l'embarras, cette semaine, en lui expédiant un beau chèque de 275 millions $ à l'intention des étudiants.

Le problème réside dans le fait que le chèque vise à compenser Québec pour son retrait du programme fédéral d'aide financière aux étudiants.

Or, cela n'oblige en rien Québec à retourner cet argent aux étudiants et, effectivement, ces derniers ne doivent pas s'attendre à en voir la couleur.

Furieux, les étudiants se sentent floués et exigent que Québec change de position et profite de l'occasion pour revoir son programme de prêts et bourses de manière à ce que l'argent fédéral aille dans leurs poches.

Depuis 1964, le gouvernement du Québec fonctionne de façon autonome dans ce dossier, ayant mis sur pied son propre programme de prêts et bourses aux étudiants, sans compter sur l'aide d'Ottawa, qui peut varier beaucoup d'une année à l'autre.

En cette année qui s'annonce électorale, le gouvernement conservateur a su se montrer généreux, alors que les ministres Josée Verner et Christian Paradis annonçaient vendredi à Québec que la compensation versée à l'intention des étudiants québécois passait de 125 millions $ l'an dernier à 275 millions $ cette année.

Les étudiants ont vite déchanté, toutefois, en découvrant que cela n'ajouterait pas un sou à leur compte en banque.

Québec explique la situation en alléguant ne pas vouloir moduler son appui financier aux étudiants en fonction des largesses à géométrie variable de la part d'Ottawa. Cette année, le programme québécois est évalué à quelque 534 millions $.

La ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, parle d'un malentendu. «Quand on voit que c'est un plus gros chèque (d'Ottawa) pour le Québec, qui ne serait pas heureux?», a-t-elle dit, lors d'un entretien téléphonique.

«La vraie histoire c'est que le gouvernement du Québec a toujours octroyé plus que ce que le gouvernement fédéral octroyait au Québec», a-t-elle ajouté, rappelant que son gouvernement avait augmenté les frais de scolarité, tout en s'engageant à bonifier le programme de prêts et bourses dans les prochaines années, «peu importe ce que fait le gouvernement fédéral».

Les représentants des organisations étudiantes n'ont pas tardé à exprimer leur frustration de voir le chèque leur filer entre les doigts.

«Le gouvernement (du Québec) a de l'argent neuf et tout ce qu'il fait c'est le mettre au service de la dette plutôt qu'au service des étudiants», a conclu Léo Bureau-Blouin, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), en point de presse.

«Le gouvernement a une chance en or de faire une différence, de montrer que la relève québécoise est importante pour lui, mais malheureusement il semble que ce ne sera pas le cas», a-t-il ajouté.

«Ce gouvernement-là n'est pas intéressé à aider les étudiants», a estimé pour sa part le président de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), Louis-Philippe Savoie.

L'opposition péquiste a réagi à la nouvelle en donnant raison aux étudiants sur toute la ligne. La députée Marie Malavoy, porte-parole en éducation supérieure, a dit exiger que le gouvernement du Québec «investisse la totalité des sommes versées par le gouvernement fédéral dans la bonification de l'aide financière aux études et qu'il n'utilise pas cette somme à d'autres fins».

De leur côté, en conférence de presse à l'Université Laval, les ministres Verner (Affaires intergouvernementales) et Paradis (Ressources naturelles) étaient pourtant fiers de souligner «haut et fort l'aboutissement d'un travail acharné fait au cours des dernières années» en matière de soutien financier fédéral à l'éducation post-secondaire au Québec.

Mme Verner a nié que la hausse substantielle de la compensation annuelle versée ait quelque rapport que ce soit avec la proximité de l'échéance électorale. «Ça sent les élections. Tout le monde en parle», a-t-elle dit, tout sourire, en ajoutant qu'un gouvernement minoritaire devait toujours être prêt à une campagne électorale.

«Il faut être sur le pied d'alerte», a renchéri M. Paradis.