Les grands syndicats de l'enseignement estiment que leurs membres ne peuvent plus assumer l'intégration des élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage dans les conditions actuelles.

Tant la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) que la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) demanderont lundi à la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, de revoir de fond en comble cette pratique, lors de la première Rencontre des partenaires en éducation à Québec, qui portera sur l'intégration.

Les deux centrales, qui représentent l'écrasante majorité du personnel enseignant et professionnel des commissions scolaires, réclament une politique d'intégration claire et les ressources pour la mettre en oeuvre.

Selon elles, l'intégration telle qu'elle se pratique depuis 10 ans n'a pas donné les résultats espérés, a mené à l'épuisement des professeurs et a souvent nui aux élèves dits «ordinaires» sans même bénéficier aux élèves en difficulté.

Le président de la FAE, Pierre St-Germain, reproche au ministère d'avoir placé des élèves en forte difficulté dans des classes régulières sans avoir fourni aux enseignants les ressources professionnelles requises pour les soutenir.

«Depuis des années, le gouvernement a tenté d'économiser sur le dos des élèves, sur le dos des profs. On a demandé aux professeurs de se substituer à des ressources professionnelles», a résumé M. St-Germain.

Il fait valoir à cet effet que l'on a élargi la formation des enseignants pour tenir compte des élèves en difficulté et que l'on invoque ensuite cette formation pour éviter d'embaucher des psychopédagogues, des psychologues, des travailleurs sociaux et des orthophonistes, notamment.

«Les professeurs se désâment pour être capables de donner des services à l'ensemble des élèves, mais les professeurs ne peuvent pas se substituer à un psychologue, un travailleur social un psychoéducateur», a rappelé M. St-Germain.

Selon lui, la ministre doit réaffirmer que la mission première de l'école est d'instruire et non de socialiser.

Son vis-à-vis de la CSQ, Réjean Parent, estime qu'il est temps de reconnaître que l'intégration a ses limites et que certains élèves placés en classe régulière nécessitent des classes spéciales parce qu'ils ne peuvent tout simplement pas être intégrés.

Bien qu'il ne s'oppose pas à l'intégration, M. Parent croit qu'il faut limiter le nombre d'élèves en difficulté par classe et éviter de les placer dans des classes où l'on dirige les élèves les plus faibles.

«Il y a une différence entre avoir dans une classe ordinaire deux élèves en difficulté et se retrouver dans une classe où vous avez déjà cinq ou six élèves qui sont à risque, que vous placez là-dedans deux élèves qui ont des troubles de comportement et que vous ajoutez un syndrome d'Asperger ou un trisomique et tu dis à l'enseignant: débrouille-toi. Ça ne peut pas fonctionner», a illustré le dirigeant syndical.

Le président de la CSQ croit d'ailleurs que le réseau ne devrait pas regrouper les enfants selon leurs aptitudes mais plutôt favoriser l'équilibre. Ainsi, selon lui, il faudrait cesser de créer des programmes spéciaux pour les élèves doués car, en retirant ceux-ci des classes régulières, ces dernières n'ont plus d'élèves pour tirer les autres vers le haut.