Thomas Mulcair a tiré à boulets rouges, hier, sur le projet de loi 103 sur les écoles passerelles. Selon lui, une telle loi serait «complètement inapplicable», inéquitable et ferait reculer le français.

«Ça me déçoit immensément, comme avocat, comme administrateur public et comme fédéraliste et membre de la communauté anglophone qui a toujours compris que la meilleure manière de garder le Québec dans le Canada, c'est de veiller à ce que la majorité francophone se sente en sécurité, linguistiquement et culturellement», a-t-il expliqué en point de presse.

Le chef adjoint du NPD et ancien ministre du PLQ s'est rendu à Québec, hier, pour présenter un mémoire devant la commission parlementaire sur ce projet de loi controversé, écrit après que la Cour suprême eut invalidé le projet de loi 104, adopté unanimement par l'Assemblée nationale.

La nouvelle loi permettrait à un enfant francophone ou un allophone de fréquenter l'école publique anglaise à condition qu'il ait séjourné trois ans dans le réseau non subventionné et que son parcours soit jugé «authentique».

Cet examen serait «arbitraire», estime M. Mulcair. «Il faudra remplir des formulaires pour évaluer le rôle des grands-parents et plein de choses du genre. C'est insensé.»

Dans les années 80, M. Mulcair avait conseillé le ministre libéral Claude Ryan sur l'arrêt de la Cour suprême concernant l'affichage en français. «Je lui avais proposé une interprétation minimaliste (du jugement), et c'est ce que je propose encore aujourd'hui.»

Le PLQ veut établir un «test d'authenticité» pour les élèves qui passeraient du réseau anglais non subventionné au réseau anglais public. Selon M. Mulcair, le gouvernement s'imposerait ainsi inutilement le fardeau de la preuve. Ce devrait être le contraire, martèle-t-il. «Le fardeau du parcours scolaire authentique doit reposer sur les parents.»

Sinon, les plus fortunés pourraient acheter le droit à une éducation publique en anglais, ce qui serait «inéquitable» et qui finirait par menacer le français.

«Je connais des immigrés du Bangladesh très fiers de voir leurs enfants parler français avec un accent québécois impeccable, raconte-t-il. Maintenant, on renverserait cette situation. Au lieu de se sentir fiers, les parents se sentiraient embarrassés de ne pas être assez riches pour envoyer leurs enfants à l'école anglaise comme leurs voisins.»

Le Parti québécois suggère d'appliquer la loi 101 aux écoles non subventionnées et d'interdire ainsi aux francophones et aux allophones de se payer une éducation en anglais. «Le problème, avec cet argument, c'est qu'on va déplacer les écoles passerelles quelques kilomètres plus loin (en Ontario)», a dit M. Mulcair. Les écoles des autres provinces canadiennes deviendraient selon lui les nouvelles passerelles. Il soutient aussi que l'article 59 de la Loi constitutionnelle de 1981 empêche le recours à la clause dérogatoire, ce que le PQ songe à faire.

Un total de 41 mémoires

La commission parlementaire qui examine depuis mercredi le projet de loi 103 recevra au total 41 mémoires. Quatorze ont déjà été présentés. Des syndicats comme la FTQ, l'Union des artistes et la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) ont dénoncé le projet de loi 103. La Commission des droits de la personne y réserve quant à elle un accueil «mitigé». Elle déplore l'ajout de «nouveaux droits», et regrette de ne pas avoir été consultée.