Le Québec va mettre en péril l'accessibilité des universités s'il augmente brutalement les droits de scolarité, prévient Denis Brière, recteur de l'Université Laval et président de la Conférence des principaux et recteurs des universités du Québec (CREPUQ).

«La hausse des droits de scolarité ne peut pas être la solution principale aux problèmes de financement des universités», a dit M. Brière au cours d'un entretien, hier. Le recteur s'oppose aussi à des droits «modulés», plus élevés dans des disciplines comme la médecine, et plus bas dans d'autres, comme les arts ou les sciences humaines.

Ces propos, que M. Brière a tenus la semaine dernière à Québec devant la commission parlementaire sur la culture et l'éducation, sont passés inaperçus à Montréal.

Ils tranchent radicalement avec les positions de l'Institut économique de Montréal et de personnalités. L'Institut soutient que la hausse des droits ne limitera pas l'accessibilité. L'ancien premier ministre Lucien Bouchard croit que c'est aux étudiants de renflouer les coffres des universités. L'ancien recteur de l'Université de Montréal, Robert Lacroix, a suggéré que les droits augmentent de 10 000 à 12 000$ par année en médecine au cours des trois prochaines années.

Le gouvernement québécois, qui a ouvert la porte à une hausse substantielle des droits à compter de 2012, n'a rien fixé encore. Le ministère de l'Éducation doit organiser une rencontre avec divers groupes, à l'automne, pour chercher des pistes de solution au sous-financement des universités. La CREPUQ évalue que les universités québécoises ont besoin de 400 millions de dollars de plus par année pour bien fonctionner.

«Il y en a plusieurs qui pensent qu'on peut régler le problème du sous-financement des universités par l'augmentation des droits de scolarité, mais ce n'est pas la solution, dit M. Brière. Augmenter les droits de scolarité brutalement, pour atteindre ce montant-là (400 millions), c'est se tirer dans le pied. Notre mission, c'est de former des gens pour le bien de la société. Si on en forme moins, on ne sera pas avancé. Bien des parents vont y penser à deux fois avant d'envoyer leur enfant à l'université si les droits doublent tout d'un coup. Il faut être très prudent pour ne pas enrayer l'accès des Québécois au système universitaire.

«Je suis d'accord avec une augmentation raisonnable et graduelle, mais il faut alors être conscient qu'elle ne réussira pas à régler le sous-financement. Les droits de scolarité ne doivent pas et ne peuvent donc pas être la principale solution. Il faut que les autres parties contribuent: les gouvernements fédéral et provincial, et les entreprises.»

M. Brière réclame une contribution obligatoire des entreprises, qu'il s'agisse de sociétés privées ou d'État. Elles profitent grandement de la formation donnée par les universités et, par conséquent, devraient pousser à la roue, dit-il.

Sans surprise, cette proposition a été aussitôt rejetée par la Fédération des chambres de commerce, le Conseil du patronat et l'Action démocratique du Québec. Mais le recteur croit que les entreprises pourraient être intéressées par certaines formules de financement, qui restent à déterminer.