La grogne est palpable chez les enseignants, qui sont actuellement en négociations avec Québec. Les dernières propositions patronales ont été accueillies comme une douche froide par les enseignants, qui n'hésitent pas à les qualifier d'«enrageantes» et de «ridicules».

Depuis le dépôt des propositions patronales en décembre, La Presse reçoit chaque semaine des courriels d'enseignants en colère. Julie Lareau, qui enseigne en troisième année dans la région de la Haute-Yamaska, estime que les propositions touchant l'intégration des élèves en difficulté sont les plus «enrageantes».

 

Le gouvernement propose d'éliminer les «cotes» qui identifient les élèves en difficulté et d'éliminer la pondération, qui faisait en sorte qu'un élève en difficulté comptait pour deux et diminuait les rapports enseignants-enfants dans les classes.

«Les rapports sont déjà dépassés. J'ai une classe de 29 élèves alors que le maximum est de 27. Si, en plus, les jeunes en difficulté ne sont plus identifiés et que la pondération disparaît, ça va être fou!» dit-elle.

Le président du Comité patronal de négociation pour les commissions scolaires francophones (CPNCF), Bernard Tremblay, réplique qu'il n'est déjà plus nécessaire qu'un enfant ait une cote pour recevoir des services. «Les services sont attribués en fonction des besoins et c'est pourquoi les cotes ne sont plus nécessaires», soutient-il.

Cette affirmation fait sursauter Élaine Fletcher, dont le fils a de grandes difficultés d'apprentissage. Le petit William, 9 ans, qui fréquente une école des Cantons-de-l'Est, ne reçoit plus de service d'orthophoniste depuis deux ans. «Je dois me battre pour obtenir des services. Et je ne reçois presque rien. La proposition du gouvernement d'enlever les cotes et la pondération est complètement ridicule. Les enfants vont encore payer», dit-elle.

Mme Lareau est du même avis. «Des services dans les écoles, il n'y en a presque pas! Penser qu'on va en donner suffisamment à tous les élèves qui en ont besoin, c'est utopique!» croit-elle. M. Bernard réplique que 1,5 milliard de dollars sont donnés chaque année pour les services aux élèves. «Quand on dit qu'il n'y a pas de services, c'est faux», juge-t-il.

Charge de travail

Les propositions patronales prévoient également faire passer l'heure du dîner au primaire de 75 à 50 minutes. «On ne dîne déjà pas plus de 20 minutes! On reconduit les élèves, on range notre classe, on prépare notre prochaine période... Qu'est-ce que ça sera avec 50 minutes?» critique Cateri Corbeil, qui enseigne depuis 11 ans en deuxième année à Laval.

M. Tremblay explique qu'au secondaire, les enseignants n'ont déjà que 50 minutes de dîner, et que «c'est suffisant». Le temps retranché sur l'heure du dîner pourrait entre autres servir à faire de la récupération, selon M. Tremblay.

Finalement, les enseignants sont choqués de voir que le gouvernement veut rendre les professeurs «imputables de la réussite des élèves». «On nous enlève tous nos moyens et on veut nous rendre imputables! C'est comme si on disait à un médecin qu'il était responsable de la mort de ses patients cancéreux!» compare Mme Lareau.

Isabelle Sénécal, qui enseigne depuis cinq ans en prématernelle à Montréal, croit que cette notion de responsabilité aurait des effets dangereux. «Pour ne pas accumuler d'échecs, les enseignants seront tentés d'augmenter les notes des élèves», craint-elle.

M. Tremblay assure que la partie patronale a modifié sa position. «Nous avons un problème de décrochage et de réussite scolaire. On veut simplement que tout le monde se questionne pour améliorer la réussite des élèves», dit-il.

Selon M. Tremblay, les négociations vont bon train. Une entente pourrait même être signée avant l'été avec les 60 000 syndiqués de la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE). Quant aux membres de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE), qui regroupe 30 000 enseignants, une entente pourrait être envisageable à l'automne.