Kevin a eu le temps de finir son primaire, de décrocher du secondaire puis de raccrocher à l'éducation aux adultes avant que la Cour suprême ne se penche sur son cas et finisse par renvoyer la balle au gouvernement du Québec.

«Quand j'ai appris cette semaine que la décision allait finalement tomber, j'étais vraiment surpris, dit Kevin, aujourd'hui âgé de 17 ans. J'étais en sixième année quand toute cette histoire a commencé, et depuis le temps, elle m'était complètement sortie de la tête.»

 

La décision n'aura finalement aucun impact sur lui, «mais peut-être sur mes deux petits frères? suggère-t-il sans trop y croire. Je le sais que c'est le début de la bataille, pas la fin».

Audrey Smith, la mère de Kevin, est l'un des 26 parents contestataires nommés au haut de la décision de la Cour suprême.

Originaire de la Jamaïque et y ayant fait toutes ses études, elle est arrivée au Canada il y a 21 ans, à Toronto. «Toronto, je n'ai pas aimé ça. Mon frère travaillait comme contractuel à Montréal. Il m'a dit: Ici, c'est francophone, t'aimerais ça! Même s'il ne parlait pas très bien français, il s'était fait plein d'amis francophones. Je suis venue faire un tour ici et j'ai tout de suite adoré la ville. Je trouvais que Montréal avait du cachet.»

En Jamaïque - dont le système d'éducation est d'inspiration britannique - le français faisait partie des cours obligatoires. Audrey Smith, parfaitement bilingue, nous accorde donc l'entrevue en français. Pour converser, son fils est aussi tout à fait à l'aise dans cette langue.

Plus jeune, il a cependant eu beaucoup de difficulté, précise Mme Smith. «Il a fait sa maternelle et sa première année en français, mais il n'y arrivait pas.»

5000$ par année

Mme Smith a donc ensuite envoyé son fils dans une école anglophone non subventionnée (les écoles dites «passerelles» dans le jugement de la Cour suprême). «Ça coûtait près de 5000$ par an. Je me disais qu'au moins, rendu au secondaire, il aurait fait la majorité de son éducation en anglais et il pourrait fréquenter une école publique dans cette langue.»

Kevin n'y a pas été autorisé. Le personnel de l'école de son fils a alors informé Mme Smith de la croisade entreprise par Brent Tyler.

Ce Montréalais s'y connaît très bien en matière de loi 101 pour l'avoir combattue depuis des années comme avocat et pour avoir présidé Alliance Québec de 2001 à 2004.

Mme Smith assure qu'elle n'a jamais cherché noise au gouvernement du Québec et qu'elle comprend bien la volonté de sauvegarder le français. Elle assure qu'elle ne veut pas «tuer le système».

Seulement, d'un point de vue personnel, elle ne comprend pas que des voisins ni plus ni moins anglophones qu'elle puissent envoyer leurs enfants à l'école anglaise et qu'elle en soit empêchée.

«Je pensais que ce n'était pas si compliqué, que ça irait vite et qu'on aurait vite une réponse (des tribunaux)», dit-elle.

La bataille juridique aura finalement duré sept ans. Cela a-t-il inquiété les familles? Ont-elles dû débourser des frais juridiques au fil des ans?

Pour cette question, Mme Smith nous renvoie à son avocat Brent Tyler.

Me Tyler a dit qu'il ne souhaitait pas répondre. «Ça, c'est entre mes clients et moi.»