Augmentation du nombre d'immigrés, taux de natalité plus élevé, concentration des nouveaux venus à Montréal, fuite des familles francophones vers les couronnes: les causes de l'augmentation du nombre d'élèves allophones dans les écoles publiques de l'île de Montréal sont nombreuses. Et les défis qui en découlent, bien réels.

Michel Paillé, démographe spécialisé en linguistique, n'est guère étonné des résultats de l'étude du Comité de gestion de la taxe scolaire, qui démontre que les allophones ont surpassé les francophones dans les écoles publiques de l'île. «C'est une tendance qui s'installe depuis plusieurs années et qui devrait durer», note M. Paillé.

 

Première explication: les nouveaux arrivants ont des familles plus nombreuses. Selon les données du recensement de 2001, les femmes allophones qui habitent l'île de Montréal donnent naissance à 1,7 enfant en moyenne, soit 30% de plus que les francophones.

Non seulement les immigrés ont-ils plus d'enfants, mais ils sont également plus nombreux qu'avant, note Marie McAndrew, titulaire de la chaire du Canada sur l'éducation et les rapports ethniques de l'Université de Montréal. Québec vise à obtenir 55 000 nouveaux immigrants en 2010, soit 40% de plus qu'il y a 10 ans. Qui plus est, le gouvernement favorise l'immigration des familles, précise Mme McAndrew.

Les nouveaux arrivants s'installent en grande majorité à Montréal, ajoute Michel Paillé, ce qui est dû, à son avis, aux faibles politiques de régionalisation du gouvernement. À l'opposé, les familles de francophones «de souche», elles, ont de plus en plus tendance à s'installer en banlieue pour élever leurs enfants, ajoute M. Paillé.

Dernier facteur: les francophones et les anglophones sont plus nombreux que les allophones à étudier dans le réseau privé. «Écoles publiques et privées confondues, les élèves francophones et anglophones sont encore plus nombreux que les allophones sur l'île», précise Michel Paillé.

Des défis

Les écoles publiques de l'île de Montréal accueillent depuis plus de 15 ans une forte clientèle de nouveaux arrivants. Ces élèves y sont généralement bien intégrés, estime Rachida Azdouz, spécialiste des relations interculturelles à l'Université de Montréal.

La constante augmentation des allophones pose tout de même certains défis, dont la forte concentration de nouveaux arrivants dans certaines écoles. Une situation qui nuit à leur intégration à la société québécoise, estime Mme Azdouz. «Qui intègre qui? se demande-t-elle. Il faut préserver un bassin de francophones pour permettre la socialisation des nouveaux arrivants allophones.»

Les écoles publiques et la société en général ont encore un «énorme travail à faire» pour intégrer les parents à la démarche d'intégration de leurs enfants, ajoute Mme Azdouz. «Si les parents n'y sont pas associés, ils risquent de perdre leur sentiment de compétence», dit-elle.

D'ailleurs, les défis liés aux nouveaux venus sont au coeur de la nouvelle planification stratégique 2010-2014 de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys. Sa présidente, Diane Lamarche-Venne, explique que la commission scolaire souhaite offrir une formation plus étoffée aux nouveaux professeurs pour mieux cerner les problématiques liées aux élèves allophones. On prévoit également parfaire le programme d'intégration des parents, ajoute Mme Lamarche-Venne.

«Oui, il y a des défis, mais il y a avant tout de grandes réussites, conclut-elle. Les élèves issus d'autres cultures apportent une richesse inestimable et sont une source de motivation pour tous.»

 

ALLOPHONES EN BAISSE DANS LES ÉCOLES ANGLAISES

Effet de la loi 101, les écoles anglaises reçoivent de moins en moins d'élèves immigrants. La Commission scolaire English- Montréal comptait sous les 44% d'élèves dont la langue maternelle était autre que l'anglais ou le français en 2008. À la Commission scolaire Lester-B.-Pearson, moins de 13% des élèves étaient allophones. Il s'agit de baisses dans les deux cas. Au contraire, les écoles françaises voient leur nombre d'allophones augmenter nettement. À la Commission scolaire de la Pointede- l'Île, qui couvre l'est de Montréal, ils formaient 37% des élèves, 10% de plus qu'en 1998. À la Commission scolaire de Montréal, qui couvre le centre, leur taux était de 46% (contre 39% il y a 10 ans). Enfin, la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, qui couvre l'ouest de l'île, avait 44% d'élèves de langue maternelle autre (contre 31% en 1998).