Québec sait que des adolescents juifs en âge de fréquenter obligatoirement l'école sont scolarisés dans une yeshiva clandestine de Napierville. Le ministère de l'Éducation a envoyé deux employés visiter l'école Un Arbre de vie - Or Menachem le 12 mai 2008, a appris La Presse en vertu de la loi d'accès à l'information. Aucune sanction n'a toutefois été prise depuis.

Les inspecteurs du Ministère y ont vu sept adolescents, «tous des élèves en sérieuses difficultés d'apprentissage», écrivent-ils dans leur rapport. «Tous ces enfants ont été envoyés là par leurs parents, parfois sur recommandation de la Direction de la protection de la jeunesse, précisent-ils. Ils accueillent aussi des enfants référés par les centres jeunesse ou par la Cour.»

 

Trois élèves venaient des États-Unis, un d'une école publique québécoise et les trois derniers d'écoles juives montréalaises (Collège rabbinique du Canada, Yeshiva Gedola-Merkaz Hatorah et Talmud Torahs Unis de Montréal).

Les propriétaires du pensionnat disaient être d'accord pour envoyer les jeunes à l'école publique, selon les inspecteurs. «Leur rôle est avant tout d'accueillir et d'héberger des jeunes en difficulté, soulignent les inspecteurs. Ils seraient tout disposés à limiter leur rôle à cet aspect, tout en confiant leur scolarisation aux deux commissions scolaires (note: anglophone et francophone) concernées.»

Refus de l'école régulière

Le 9 juin dernier, le Ministère a averti la yeshiva de Napierville par lettre qu'elle contrevenait à la loi. Il a invité les responsables à contacter les commissions scolaires de son territoire ou à déposer une demande de permis «dans les plus brefs délais».

«Ils n'ont pas communiqué avec nous depuis», a assuré Fannie Deschamps, porte-parole de la commission scolaire des Grandes-Seigneuries (CSGS), qui couvre Napierville. Il y a deux ou trois ans, les propriétaires de la yeshiva ont toutefois eu une rencontre à la commission scolaire, selon Mme Deschamps.

«Leur réponse a été très claire, à savoir qu'il n'était pas question que leurs jeunes viennent se scolariser ici», a-t-elle précisé. Et comme les parents de plusieurs de ces jeunes habitent Montréal, «ça relève de la Commission scolaire de Montréal», a estimé Mme Deschamps.

À la commission scolaire anglophone Riverside, qui dessert aussi Napierville, «on n'a pas de ces élèves dans nos écoles, a dit Kevin Lukian, directeur général de Riverside. La question m'a été posée il y a quelque temps par le Ministère et nous avons vérifié.»

Ce n'est pas une école, dit le MELS

Que dit le ministère de l'Éducation de tout cela? «Cette synagogue-là n'est pas une école, a répondu Jean-Pascal Bernier, attaché de presse de la ministre de l'Éducation. C'est plutôt un centre d'accueil. Donc le Ministère a plutôt fait les liens avec les services sociaux de la région. Mais on me dit que les élèves qui vont là peuvent être recommandés par d'autres écoles, ou peuvent aller là et être dans une école aussi.»

Or Menachem s'affiche pourtant comme une école dans son site internet. Son rabbin a clairement dit à La Presse qu'il s'agit d'une école. Et encore à la rentrée 2008, des petites annonces étaient placées dans internet par la yeshiva pour trouver des tuteurs «en maths et/ou en français».

Le Ministère s'est-il assuré que les élèves de Or Menachem fréquentent maintenant une école reconnue? «Cet endroit-là, c'est vraiment plus comme un centre d'accueil, a répété M. Bernier. C'est pour ça qu'on a fait le lien plutôt avec les services sociaux de la région.»