Plus de 1,2 million de Québécois de 16 à 64 ans n'ont pas de diplôme du secondaire, selon le recensement de 2001. Alors que les emplois se raréfient, leur avenir passe par les centres d'éducation des adultes, qui donnent une véritable deuxième chance aux décrocheurs qui veulent améliorer leur sort. Notre journaliste s'y est inscrite incognito comme élève pendant deux semaines. Voici son récit.Pour s'inscrire à l'éducation des adultes au Québec, il suffit d'avoir 16 ans. «T'as sûrement remarqué qu'on a beaucoup d'élèves de 16-17 ans que les polyvalentes ont câlissés dehors parce qu'elles ne savaient plus quoi faire avec eux», m'a dit un professeur lors de mon séjour comme élève dans un centre d'éducation des adultes, situé dans un quartier défavorisé.

Plus de 1,2 million de Québécois de 16 à 64 ans n'ont pas de diplôme du secondaire, selon le recensement de 2001. Alors que les emplois se raréfient, leur avenir passe par les centres d'éducation des adultes, qui donnent une véritable deuxième chance aux décrocheurs qui veulent améliorer leur sort. Notre journaliste s'y est inscrite incognito comme élève pendant deux semaines. Voici son récit.Pour s'inscrire à l'éducation des adultes au Québec, il suffit d'avoir 16 ans. «T'as sûrement remarqué qu'on a beaucoup d'élèves de 16-17 ans que les polyvalentes ont câlissés dehors parce qu'elles ne savaient plus quoi faire avec eux», m'a dit un professeur lors de mon séjour comme élève dans un centre d'éducation des adultes, situé dans un quartier défavorisé.

La clientèle y était hétéroclite : ados rebelles, jeunes mères monoparentales, immigrants forcés d'étudier parce qu'on n'accepte pas leurs diplômes étrangers, chômeurs d'un certain âge et habitués de l'aide sociale se côtoyaient dans les salles de classe. Une minorité comme moi avait déjà un diplôme, mais était venue suivre des cours (comme chimie ou physique) préalables à des programmes du cégep.

Étudier «aux adultes» n'est pas gratuit : j'ai dû payer 40$ en frais d'inscription, 8$ pour la carte étudiante et l'agenda, et une vingtaine de dollars par manuel scolaire. «Si vos études n'étaient pas subventionnées, ça vous coûterait 6500$ pour 900 heures de cours», a souligné le directeur-adjoint lorsqu'il a rencontré le groupe de nouveaux élèves dont je faisais partie.

À l'éducation des adultes, on fait son entrée à tout moment de l'année, de jour comme de soir. Seules exigences: «on vient en classe en état de suivre le cours» et «on progresse», faute de quoi notre dossier sera fermé, a averti le directeur-adjoint. En réalité, les enseignants ferment les yeux plus souvent que les dossiers, et les élèves peuvent prendre plus de temps que prévu pour finir un cours. Il est aussi possible de refaire plusieurs fois un examen si on n'est pas satisfait de la note obtenue.

Seulement 21 diplômés l'an dernier

Dès le début de la visite guidée de l'école, le jour de notre arrivée, trois gars se sont échappés par une porte de côté. «Ça fait 10 fois que je reviens ici, je ne vais pas encore visiter!» a lancé un des jeunes hommes, raccrocheur à répétition.

Dans la cafétéria du centre où j'étudiais, les photos des diplômés étaient fièrement accrochées aux murs. En 2007-2008, on en comptait... 21. L'année précédente, à peine 20. «Ça prend 800 élèves qui rentrent ici dans une année pour qu'il y en ait 60 qui finissent», m'a dit un enseignant. Ces 60 n'ont pas tous un diplôme d'études secondaires; une quarantaine terminent leur secondaire 3 ou 4 puis entrent dans un programme professionnel. «Mais il y en a tellement d'autres qui lâchent avant...» a soupiré le professeur.

Il n'est pas toujours évident de garder sa motivation à l'éducation des adultes. L'enseignement y est «individualisé». Cela veut dire que les élèves avancent à leur propre rythme, seuls à leur pupitre, en lisant des manuels et en faisant des exercices en solo. Ils sont responsables de leurs apprentissages. Se décourager est facile, dans ce contexte. Chaque jour, des élèves dormaient, dessinaient ou faisaient les mots croisés des journaux gratuits pendant les cours.

Des élèves paresseux, d'autres courageux

En cas de doute, on peut évidemment aller poser une question aux enseignants. J'ai eu un prof de sciences hyper allumé, capable d'expliquer avec passion l'électronégativité et organisant plusieurs activités parascolaires. Son mantra: «Tout pour avoir du fun et motiver le monde à venir à l'école», m'a-t-il expliqué. En dehors des profs, il y avait peu de personnel pour aider les élèves (un technicien en aide sociale et une conseillère en formation scolaire étaient présents), mais on annonçait l'embauche prochaine d'un orthopédagogue.

Pendant mes deux semaines de cours, j'y ai fréquenté des élèves continuellement en retard, absents ou endormis, prétendant que ce n'était jamais de leur faute. Mais aussi des élèves courageux, travaillant fort dans leurs livres dès 8 h le matin, même si la route devant eux restait longue et pleine d'embûches. Peut-être se rappelaient-ils ces sages paroles de notre prof de sciences: «Tomber, c'est humain. Se relever, c'est humain. Rester par terre, c'est ça qui est sans dessein.»