Un ancien élève d'une école évangélique illégale au nord de Montréal a contacté La Presse à la suite des articles parus à ce sujet la semaine dernière. Aujourd'hui adulte, il veut «dénoncer cette approche Dieu d'abord, on fera de notre mieux pour le reste». «C'est l'Église évangélique au grand complet que je ferais disparaître si j'en avais le pouvoir, pas seulement leurs écoles», a-t-il précisé en entrevue.

Si des enfants évangéliques vont dans ces écoles illégales, «c'est pour ne pas se faire polluer par le monde, une expression raccourcie pour le monde des ténèbres, c'est-à-dire tout ce qui est hors de l'Église, a expliqué Alexandre (nom fictif). Il n'y a pas de mauvaises influences ni de tentations là.»

Lui-même est entré à l'école évangélique en secondaire 5, après la conversion de son père. «J'ai ainsi commencé une longue séance de brainwash, toute en douceur, mais efficace», a-t-il affirmé. Les élèves y suivaient le programme texan ACE (Accelerated Christian Education), en anglais, de façon autodidacte. «Il y a Dieu dans tous les cahiers de cette méthode, se rappelle-t-il. C'est facile: comme Dieu a tout créé, il est partout.»

Silence à l'école

Alexandre était dans la classe des 9 à 16 ans. Dans ces écoles, «chaque élève dispose d'un poste de travail semblable à un poste d'intervieweur téléphonique», a-t-il décrit. Une fois la matière parcourue, «l'élève qui croit être prêt pour l'examen place en silence un petit drapeau sur une tablette surélevée», afin d'attirer l'attention d'un enseignant. «Le système permet à un élève qui a une mémoire à court terme de très bien réussir, tout en oubliant la matière au fur et à mesure», a-t-il précisé.

L'école était illégale, «mais ça ne me serait pas venu à l'esprit, a admis Alexandre. Ça m'a frappé quand j'ai fini le programme et qu'il a fallu aller au cégep faire du lobbying pour qu'ils m'acceptent.»

 

Échecs au cégep

Même sans diplôme officiel, Alexandre a été admis. « J'ai rapidement dû faire face à une nouveauté pour moi: une succession d'échecs», a-t-il dit. Jadis premier de classe, il a eu 69% au premier examen de maths, puis 17% au deuxième, tant ses lacunes étaient importantes. «J'avais le sentiment d'être complètement dépassé, de devoir bâtir sur un bloc de gruyère dont je ne connaissais pas la taille des trous», se souvient-il. Il a pris trois ans pour compléter un DEC par cumul de crédits, «puis j'ai fait quatre jours à l'université avant de mettre un terme à ma scolarité».

Si Alexandre a l'impression que l'école évangélique a «cassé son erre d'aller », ce n'est pas le cas de tous. Une de ses connaissances a fait tout son secondaire à l'école évangélique et a réussi tant au cégep qu'à l'université.

Ce n'est qu'à 24 ans qu'Alexandre a quitté l'évangélisme, après un mariage raté et bien des désillusions. Une dizaine d'années plus tard, il estime catastrophique que les humains aient tant besoin de réponses aux grandes questions de la vie qu'ils acceptent «des hypothèses qui ont des conséquences majeures dans leur vie plutôt que de se satisfaire de l'inconnu et vivre en toute liberté». L'école qu'il a fréquentée a fermé ses portes, mais au moins sept autres existent toujours. Elles ont un permis du ministère de l'Éducation depuis l'an dernier.