Première femme rectrice de Concordia, Judith Woodsworth vient de prendre la tête d'une université en déficit - d'une douzaine de millions l'an dernier - après une longue période d'équilibre budgétaire. «On prévoit toujours un déficit cette année, mais beaucoup moindre, entre trois et cinq millions, a dit la nouvelle rectrice à La Presse. On travaille pour que ce soit près de zéro d'ici à la fin de l'année. C'est un gros défi.»

Pour y arriver, Mme Woodsworth compte demander plus d'argent au gouvernement et aux donateurs, attirer plus d'étudiants et «essayer d'être plus efficace», énumère-t-elle. «Mais si on coupe plus, on peut porter atteinte à l'enseignement, aux services offerts aux étudiants. Ce n'est pas facile.»

 

Regrette-t-elle d'avoir quitté le poste de rectrice de l'université Laurentienne, à Sudbury, où les droits de scolarité atteignent 5000$ par année, deux fois plus qu'au Québec? «Même avec des droits de scolarité de 5000$, on avait des problèmes financiers», répond-elle.

Née à Paris il y a 60 ans, élevée au Manitoba, Mme Woodsworth a travaillé longtemps à l'Université Concordia, où elle est entrée comme professeure au département d'études françaises. Elle connaît bien les réticences des étudiants d'ici face à une facture qui doublerait. «En théorie, ce serait bien, mais je ne suis pas convaincue que ce soit une bonne chose tout de suite», dit-elle. Il faut d'abord s'assurer que tout étudiant dans le besoin ait suffisamment d'aide financière, puis on haussera les droits, fait-elle valoir.

200 millions d'obligations

«À Concordia, on agit avec beaucoup de prudence», souligne-t-elle. Le nouvel édifice de l'école de commerce John-Molson ouvrira ses portes en septembre prochain, «on time, on budget», dit-elle dans un rare retour à l'anglais. L'autre grand projet de l'Université est l'occupation de la maison mère des Soeurs grises, «d'ici cinq ans». Concordia a dû émettre pour 200 millions d'obligations pour financer son expansion.

«Notre vision, c'est de devenir une université de premier choix pour les étudiants et les professeurs, indique la rectrice. Si on dit ça, c'est qu'on ne l'a pas toujours été.» Mme Woodsworth a récemment dévoilé une ébauche de plan stratégique invité la communauté de Concordia à en discuter avec elle. Ses grands objectifs sont l'amélioration de la qualité académique, l'augmentation du taux de réussite des étudiants et le renforcement de l'engagement communautaire.

«Personnellement, je pense que les femmes leaders agissent de façon différente, dit-elle. On a tendance à consulter plus. On est capables de prendre des décisions, mais on les prend beaucoup plus en équipe.» Cela plaît sûrement au conseil d'administration de Concordia, dont les tensions avec son prédécesseur, Claude Lajeunesse, ont mené au départ de ce dernier, trois ans avant la fin de son rectorat.

 

Échanges avec le Québec francophone

De retour à l'Université Concordia après 10 ans d'absence, la nouvelle rectrice, Judith Woodsworth, a été étonnée d'y entendre davantage de français. «À l'époque où je travaillais ici, je pense que les francophones étaient moins ouverts à l'idée d'étudier en anglais», dit-elle. Traductrice de métier, Mme Woodsworth voudrait voir plus de contacts entre étudiants francophones et anglophones. «Ce serait bien si nos étudiants partaient en échange dans une autre université québécoise, par exemple à Chicoutimi ou à Rimouski. Et vice-versa.»

Adoptez un étudiant

Voulez-vous adopter un étudiant de Concordia? Par le truchement du programme Adopt-a-Student, 500 étudiants ont été «adoptés» par des donateurs, qui se sont engagés à leur offrir une bourse d'au moins 500$ pendant trois ans. «Il y a une interaction, le donateur peut rencontrer l'étudiant», indique Chris Mota, directrice des relations avec les médias de l'Université Concordia. En deux ans, 840 000$ ont été amassés. «Ça encourage les gens à contribuer, parce qu'ils voient un étudiant vivant, avec un visage, qui est reconnaissant», dit Judith Woodsworth, rectrice de l'université.