Moyennant un engagement minimum de six ans sous les drapeaux, l'armée paye les études et verse un salaire aux intéressés. Une pratique qui séduit et indigne.

Ce jour-là, c'est «Journée carrière» à l'École polytechnique de Montréal. Les Forces canadiennes y sont, au milieu d'une vingtaine de grandes entreprises comme Microsoft et Genivar. L'armée recrute. Et pour convaincre les étudiants, elle n'hésite pas à sortir son chéquier.

 

L'armée s'engage à payer les études de chaque candidat retenu (droits de scolarité, frais afférents, matériel) en plus de lui verser une allocation annuelle de 18 000$.

«Les prêts et bourses, c'est bien beau, mais quand tu quittes le domicile de tes parents et que tu dois tout payer seul, ce n'est pas si simple», dit Geneviève Girard.

«Quand tu veux étudier, ça donne envie. Et puis l'armée offre des emplois intéressants», ajoute Erika, en deuxième année de génie chimique.

Si ces apprentis ingénieurs font le saut dans l'armée, ils ne deviendront pas soldats à proprement parler, même s'ils recevront une formation de 14 semaines sur le maniement des armes et le b.a.-ba militaire. Promus au rang d'officier, ils seront affectés à des centres de recherche ou à des unités de génie. Leur salaire de départ sera de 50 000$; 65 000$ au bout de trois ans.

«Ça correspond à ce que la plupart des entreprises nous offrent», dit Chadi, qui terminera son bac en mai. «Je n'ai pas une vision négative de l'armée. J'aime l'ordre et l'esprit militaire, l'entraînement physique et le leadership.» Cela fait deux ans que Chadi pense à s'engager, pour acquérir un peu d'expérience professionnelle et pour se faire payer ses études de maîtrise. Mais ce qui le bloque encore, c'est la durée de son engagement. Un étudiant qui se fait payer des études postsecondaires par les Forces canadiennes devra servir pendant neuf ans.

Selon le second lieutenant Abergel, l'armée reçoit plus de candidatures qu'il n'en faut aux postes d'officiers-ingénieurs. Ce qui ne manque pas d'enrager Alexandre Vidal, meneur de l'opération Objection, un regroupement militant. «Personne, dit-il, ne devrait avoir à apprendre à tuer et à manier les armes pour étudier.»