C'est la rentrée cette semaine. La grande nouveauté: le cours d'éthique et de culture religieuse, introduit d'un seul coup au primaire ainsi qu'en première, en deuxième et en quatrième secondaire. Au-delà des controverses, qu'apprendront les enfants, finalement?

Si vous avez plus de 30 ans, on vous a probablement appris à l'école à être un bon catholique, à honorer Jésus, qui est ressuscité au troisième jour, et à aimer votre prochain comme vous-même. À partir de cette année, tous les enfants du Québec - qu'ils soient catholiques, juifs, musulmans ou bouddhistes - devront apprendre qui est Jésus, ce qu'est Noël, qui est Bouddha et quels sont les cinq piliers de l'islam. On leur expliquera que tout ça, ce sont des croyances et pas nécessairement des faits avérés.

Voilà ce qui ressort de la lecture en rafale des seuls manuels approuvés par le ministère de l'Éducation pour le primaire, ceux de la maison d'édition Modulo.

Voyons le chapitre sur Pâques, qui sera au programme en deuxième année. Il met en scène la petite Amalina, qui déclare: «Moi, j'adore la fête de Pâques. C'est la fête du chocolat.» «Voyons! Pâques est la fête de la résurrection de Jésus», réplique son amie. «Vous vous trompez toutes les deux, dit un troisième. La Pâque est une fête juive. Elle nous rappelle la libération des Juifs, la fin de l'esclavage.»

La morale de cette petite histoire? «Il existe différentes manières de célébrer ou de comprendre une fête. La Fête de Pâques en est un exemple», peut-on lire.

En cinquième année, les enfants qui auront les manuels Modulo liront les inquiétudes de Jérémie. Dans les chapitres précédents, les enfants auront appris par exemple ce qu'est une kippa (que portent certains juifs) et ce que mangent ou pas certains croyants. Jérémie dira à sa mère: «Quelque chose me tracasse. Moi, je suis catholique et pourtant, je n'ai aucun signe pour m'identifier à ma religion.»

Sa mère lui expliquera qu'il porte une petite croix au cou et qu'elle en porte une elle aussi.

«Par contre, je n'ai jamais vu papa en porter une.»

«C'est exact, dit la mère, mais afficher ce symbole n'est pas une obligation. Pour les catholiques, il n'y a pas de vêtements prescrits non plus.»

Mieux comprendre l'autre

Les chapitres sur la religion alternent avec les chapitres sur l'éthique, qui expliquent par exemple ce qu'est un compromis, ce qu'est la Charte des droits et libertés et l'importance de respecter l'environnement. On y parle aussi d'immigration. «À ton avis, demande-t-on aux enfants, quelles sont les difficultés que peuvent éprouver les immigrants pendant leurs premières années de vie au Québec? Si tu devais aller vivre dans un autre pays, que pourrais-tu faire pour mieux t'intégrer?»

De front, les enfants se feront donc parler d'éthique, d'histoire du Québec et de concepts jamais enseignés aux plus vieux comme la roue à huit rayons des boud-dhistes ou le zakat des musulmans (le fait de verser une partie de son revenu aux pauvres).

Dans ces conditions, côté catholicisme, on n'entre pas dans les détails. Exit les noces de Cana, Lazare et Marie-Madeleine, mais les mages sont là, tout comme l'arche de Noé et le récit de la Création, publié non loin de la légende du Grand Lièvre des Attikameks.

Lily Cloutier, auteure des manuels du primaire avec Patrick St-Jacques, note que «l'idée de base n'est pas de transmettre une foi mais d'exposer les enfants à diverses religions pour que chacun comprenne mieux l'autre».

«Dans une approche confessionnelle, poursuit-elle, on expliquait à fond qui était Jésus. Les enfants apprendront toujours qui est Jésus, mais pas seulement lui.» Ainsi, les enfants apprendront qui est Rigoberta Manchu, Martin Luther King, le dalaï-lama et Gandhi.

Les enfants sauront aussi que le Notre Père est une prière importante pour les catholiques, mais ils ne la liront pas dans leur manuel «parce qu'il aurait fallu autrement faire la même chose pour les autres religions», dit Mme Cloutier.

Cela étant dit, le catholicisme devait nécessairement occuper une place prédominante dans les manuels.

La question du voile est abordée très, très rapidement, au primaire, sans explication sur les raisons pour lesquelles certaines musulmanes le portent. La question, comme d'autres plus pointues, sera plutôt abordée au secondaire, dit encore Mme Cloutier.

Aucune exemption

À la Fédération des syndicats de l'enseignement, on indique que, comme les enseignants n'ont même pas encore en main les manuels, plusieurs d'entre eux entendent commencer le programme bien tranquillement, sans nécessairement donner au début l'heure de cours réglementaire. S'il s'inquiète du possible manque de formation donnée aux maîtres, le syndicat est d'accord sur le fond. «Le nouveau programme va dans le sens de nos revendications parce qu'il va dans le sens d'une école laïque», dit la présidente, Manon Bernard.

Les écoles privées pourront, parallèlement au programme obligatoire, continuer de donner un enseignement plus traditionnel.

Le ministère de l'Éducation ne donne pas de statistiques provinciales sur le nombre de parents qui ont demandé que leurs enfants soient exemptés du nouveau programme. À la Commission scolaire de Montréal, on sait cependant qu'il y a eu une vingtaine de demandes. Il y en a eu une quarantaine à la Commission scolaire de la Capitale (Québec), seulement deux demandes à Trois-Rivières et une seule dans les MRC de Matane et de la Matapédia. À Valcourt, une trentaine de parents se mobilisent contre le programme parce que, selon eux, il bafoue la religion catholique.

Le Ministère n'a accordé aucune exemption, que ce soit au primaire ou au secondaire, où le programme aura le même esprit d'ouverture aux autres religions.