Le rapport final du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur la tragédie de Lac-Mégantic doit servir de catalyseur pour renforcer la sécurité ferroviaire aux États-Unis, au moment où le transport de pétrole par train est en forte hausse sur tout le continent, estime Karen Darch, la mairesse de Barrington, une petite municipalité située à 50 km au nord-ouest de Chicago, dans l'Illinois.

Mme Darch, qui est coprésidente de la coalition TRAC de Chicago et qui a accompagné la mairesse de Lac-Mégantic, Colette Roy Laroche, lorsqu'elle a mené une délégation d'élus municipaux du Québec et du Nouveau-Brunswick à Washington, au printemps, pour rencontrer des membres du Congrès, a soutenu que les recommandations du BST sont tout à fait pertinentes et doivent être retenues par les autorités américaines responsables de la sécurité ferroviaire.

Dans son rapport publié mardi, le BST a recommandé que Transports Canada joue un rôle plus actif à l'égard des systèmes de gestion de la sécurité des compagnies ferroviaires, en s'assurant non seulement qu'ils existent, mais qu'ils fonctionnent et qu'ils sont efficaces. Il a aussi proposé que les compagnies ferroviaires canadiennes se dotent de moyens de défense physiques additionnels pour empêcher les trains de partir à la dérive.

Dans ce même rapport, le BST a dénoncé la «faible culture de sécurité» de la société Montreal Maine & Atlantic Railway (MMA), propriétaire du train qui a déraillé à Lac-Mégantic en juillet 2013, détruisant tout le centre-ville de cette municipalité et tuant 47 personnes. Il a aussi écorché Transports Canada qui, selon lui, ne procédait pas à des vérifications des compagnies ferroviaires assez fréquentes et assez poussées.

Renforcer les normes de sécurité

Dans une entrevue accordée à La Presse, samedi, Mme Darch a dit souhaiter que les organismes de réglementation du transport ferroviaire aux États-Unis, tels que la Federal Railroad Administration (FRA) et le US Transportation Department's Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration, emboîtent le pas au BST.

Ces organismes revoient actuellement toute la réglementation du transport des matières dangereuses par train. Cet examen, qui pourrait se terminer en 2015, a été accéléré dans la foulée du déraillement du train de MMA.

«Ces deux recommandations sont très importantes et elles peuvent très bien être appliquées aux États-Unis. [...] Je crois qu'elles ont véritablement mis le doigt sur les lacunes qui existent non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis», a affirmé Mme Darch, qui a déjà un exemplaire du rapport de 200 pages du BST et qui a regardé la conférence de presse des dirigeants de l'organisme en direct, mardi.

Tout comme Lac-Mégantic, Barrington est une petite municipalité où circulent des trains transportant des matières dangereuses. En 2009, un train transportant de l'éthanol a déraillé dans le village de Cherry Valley, situé à 80 kilomètres à l'ouest de Barrington, faisant exploser les wagons-citernes DOT-111, ceux-là mêmes qui ont été éventrés à Lac-Mégantic.

La boule de feu provoquée par l'explosion a brûlé vive une femme de 44 ans qui tentait de fuir les lieux de l'accident à pied après être sortie de sa fourgonnette immobilisée à la traversée du chemin de fer. Les services d'urgence ont mis deux jours à éteindre le brasier. Depuis cette tragédie, Mme Darch milite pour un renforcement de la réglementation en matière de sécurité ferroviaire aux États-Unis.

D'autant que des trains appartenant au Canadien National et transportant des matières dangereuses traversent son village une vingtaine de fois par jour. Dans un passé pas si lointain, on comptait seulement cinq trains par jour qui traversaient la rue Main, à Barrington.

Selon Mme Darch, il est crucial que des normes de sécurité élevées soient appliquées sur l'ensemble du continent nord-américain. Elle a rappelé que le train de MMA qui a déraillé à Lac-Mégantic avait franchi la frontière canado-américaine à trois reprises durant son trajet avant que la tragédie ne frappe.

Pour Mme Darch, les autorités doivent agir rapidement, d'autant que des trains transportant du pétrole ont été impliqués dans au moins huit accidents majeurs depuis un an aux États-Unis et au Canada.

Forte augmentation sur les rails

On estime que le volume de pétrole transporté par train aux États-Unis a fortement augmenté depuis 2009, passant d'un peu plus de 10 000 wagons-citernes à 400 000 en 2013. Au Canada, la quantité de pétrole brut transportée par rail a été multipliée par 320 en quatre ans à peine. En raison du boom pétrolier dans l'Ouest canadien, le nombre de wagons de pétrole est passé de 500 en 2009 à 160 000 en 2013.

Un écho chez nos voisins du Sud

Le rapport d'enquête final du BST sur la tragédie de Lac-Mégantic a été largement diffusé aux États-Unis cette semaine.

Des médias importants, comme le Wall Street Journal ou le Washington Times, en ont fait abondamment état sur leur site internet. D'autres médias de la ville de Chicago, une région qui tente d'obtenir un resserrement des normes en matière de sécurité ferroviaire, ont également rapporté les conclusions du BST, selon un survol des sites internet des médias américains.

Les dirigeants de petites municipalités, comme celle de Barrington, en Illinois, qui voient des trains transportant des matières dangeureuses traverser leur ville plusieurs fois par jour, ont également pris connaissance du rapport.