La «faible culture de sécurité» de la compagnie Montreal Maine & Atlantic Railway (MMA) et le nombre insuffisant d'inspections menées par Transports Canada figurent parmi les facteurs qui ont contribué à la tragédie de Lac-Mégantic, selon le rapport d'enquête final du Bureau de la sécurité des transports (BST) mardi matin.

Le rapport présenté mardi matin indique que la cause directe de l'accident est que les sept freins à main appliqués par le mécanicien de la locomotive avant de laisser le train sans surveillance pour la nuit ont été insuffisants pour l'empêcher de dévaler la pente menant à la municipalité québécoise.

Lorsque le mécanicien en a testé la solidité, les freins à air de la locomotive étaient serrés, ce qui lui a donné la fausse impression que le train était suffisamment immobilisé. Or un incendie qui s'est déclaré peu après son départ a forcé les intervenants d'urgence à arrêter le moteur, ce qui a amené l'air à s'échapper des freins indépendants, qui sont devenus inefficaces.

«Les accidents ne sont jamais causés par une seule personne, un seul geste ou un seul facteur. Nous devons tenir compte de tout le contexte», a cependant déclaré Wendy Tadros, la présidente du BST. Son bureau a identifié 18 facteurs qui ont joué un rôle dans la tragédie et émis deux nouvelles recommandations pour s'assurer que les trains immobilisés soient retenus efficacement et que les systèmes de gestion de sécurité fonctionnement adéquatement.

18 facteurs

Ainsi, Transports Canada la MMA sont directement visés par plusieurs des 18 facteurs énumérés. « La faible culture de sécurité de la MMA a contribué à la perpétuation de conditions dangereuses et de pratiques dangereuses, et a compromis la capacité de la MMA de gérer efficacement la sécurité », peut-on lire dans le document.

Quant à Transports Canada, plusieurs inspections ont été menées et ont conclu à des problèmes au sein de l'entreprise, souvent les mêmes, mais ces inspections n'ont pas observé ces problèmes de manière globale, à l'échelle de l'entreprise.

« Le bureau de la région du Québec de Transports Canada n'a pas assuré un suivi pour veiller à ce que les lacunes de sécurité qui se répétaient à la MMA soient analysées et corrigées efficacement, de sorte que des pratiques dangereuses soient perpétuées. »

« Tous ces éléments-là combinés ont contribué à cet accident-là. Si on en enlève un seul, n'importe lequel, de l'équation, cet accident-là ne se serait probablement pas produit », a déclaré en point de pression Jean Laporte, administrateur en chef des opérations du BST.

Moyens de défense supplémentaires

Le BST demande que des moyens de défense additionnels soient mis en place pour améliorer la sécurité ferroviaire. Il a également constaté des problèmes relativement à la formation, à la surveillance des employés et aux pratiques d'entretien à la MMA, ainsi qu'à l'égard des règles de l'industrie sur l'immobilisation des trains laissés sans surveillance et des wagons-citernes utilisés pour le transport de pétrole brut volatil.

La tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic a causé la mort de 47 personnes dans la nuit du 5 au 6 juillet.

La MMA ainsi que trois de ses employés - dont le conducteur du train, Thomas Harding - font face à 47 chefs d'accusations de négligence criminelle ayant causé la mort.

Lors de la comparution des trois accusés, en mai, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) avait indiqué que d'autres accusations criminelles pourraient être déposées au fur et à mesure de la progression de l'enquête menée par la Sûreté du Québec (SQ), qui n'est toujours pas bouclée.

Ottawa refuse de prendre le blâme

La ministre des Transports, Lisa Raitt, a refusé de prendre le blâme et indiqué qu'elle étudierait le rapport et demanderait à ses fonctionnaires de lui rendre des comptes. « Je n'ai pas lu le rapport encore », a-t-elle déclaré.

« Le gouvernement s'est assuré que les règles appropriées soient en place et que le ministère ait des ressources suffisantes », a-t-elle ajouté.

Pour le reste, le gouvernement Harper a rejeté la responsabilité sur la compagnie et ses employés, qui n'ont pas respecté les règles, a-t-elle martelé. MMA et certains de ses employés font l'objet d'accusations criminelles.

« Il est clairement démontré autant par le BST que par les accusations policières portées contre la société que les règles n'ont pas été suivies, a renchéri le ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas renforcer la sécurité ferroviaire, et c'est la raison pour laquelle la ministre travaille d'arrache-pied depuis plusieurs mois. »

Mme Raitt n'occupe les fonctions de ministre des Transports que depuis l'été dernier, soit après la tragédie. C'est le ministre québécois Denis Lebel qui était en poste avant elle.

Le NPD a contredit le gouvernement à cet égard. « Le rapport d'enquête du Bureau de la sécurité des transports (BST) sur le déraillement qui a fait 47 morts à Lac-Mégantic le 6 juillet 2013 est clair : le gouvernement fédéral porte une partie du blâme et il doit ramener au plus vite des mesures de surveillance adéquates des compagnies ferroviaires », a tranché le parti dans un communiqué de presse.

« Les conservateurs ont laissé les compagnies se surveiller elles-mêmes. Cette approche a misérablement failli. Il est grand temps que le gouvernement mette en place des mesures de surveillance adéquates qui préviendraient des accidents comme celui de Lac-Mégantic », a ajouté le porte-parole en matière de transport, Hoang Mai.

- Avec La Presse Canadienne