C'est l'un des rapports les plus attendus à Lac-Mégantic. Ce matin, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) mettra en lumière les causes du déraillement du train que conduisait Tom Harding. Son avocat, Thomas Walsh, en a pris connaissance. Il espère que son client sera enfin délesté d'une part des responsabilités qui lui pèsent sur les épaules depuis la nuit du 6 juillet 2013.

« C'est important que la population sache que cette tragédie est le résultat d'une accumulation de plusieurs facteurs, a expliqué Me Walsh. Une grande part de responsabilité revient à des personnes qui n'ont pas encore été identifiées et, par le fait même, qui n'ont pas été accusées. »

La société Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA) et trois de ses employés, y compris Tom Harding, font face à 47 chefs d'accusation de négligence criminelle ayant causé la mort.

Le BST n'a pas le mandat d'attribuer ou de déterminer les responsabilités civiles ou pénales de quiconque. Toutefois, Me Walsh, qui a consulté une version préliminaire du rapport qui sera présenté ce matin, croit que les résultats de l'enquête lui donneront certainement des pistes pour défendre son client.

« Le paradoxe, c'est qu'il y a des accusés actuellement qui ont perdu leur emploi et qui attendront deux ou trois ans avant que la justice fasse son chemin, a-t-il expliqué. Les trois personnes accusées ont certainement contribué, mais il y a beaucoup d'autres facteurs contributoires majeurs, et j'espère qu'ils seront exposés dans le rapport [du BST]. »

Des passe-droits remis en question

L'avocat sherbrookois ne nie pas la faute de son client, qui aurait actionné un nombre insuffisant de freins manuels sur le convoi. Toutefois, il tire à boulets rouges sur MMA et s'interroge sur les privilèges auxquels elle aurait eu droit. Il croit aussi que Transports Canada a fait preuve de laxisme, comme le dénonce le Centre canadien de politiques alternatives dans un rapport.

« Il y a des organismes de réglementation dont le mandat est d'assurer la sécurité du public. La MMA était axée sur le profit, point à la ligne. [...] C'était une compagnie de vauriens, dont la feuille de route démontrait qu'elle avait coupé à l'os [dans ses dépenses] au détriment de la sécurité. » L'homme de loi se demande pourquoi MMA, « une compagnie reconnue pour sa délinquance », avait eu la permission de faire circuler des trains avec un seul conducteur à bord.

La nuit fatidique du 6 juillet 2013, ce conducteur était Tom Harding. Il a été arrêté en mai dernier par le Groupe tactique d'intervention de la Sûreté du Québec. Une arrestation brutale qu'avait dénoncée son avocat. En juillet, presque un an jour pour jour après la tragédie, l'homme aurait fait un infarctus.

« C'est dû au stress. Ce n'était pas majeur, mais il doit apprendre à mieux gérer son stress », a rapporté Me Walsh.

Quelques dates

> 6 juillet 2013: Déraillement et explosion du train.

> Août 2013: MMA se place sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

> Septembre 2013: le BST révèle que le train transportait un pétrole plus volatil qu'indiqué.

> Novembre 2013: recours collectif lancé par des résidants et proches de victimes.

> Janvier 2014: une filiale de l'entreprise Fortress Investment Group achète MMA; le BST fait trois recommandations, dont le renforcement de certains wagons DOT-111.

> Avril 2014: Ottawa annonce le retrait progressif de 5000 vieux DOT-111.

> Mai 2014: accusations criminelles déposées contre MMA et trois employés.

Transports Canada sous les projecteurs

La part de responsabilité du gouvernement fédéral dans la tragédie de Lac-Mégantic sera au centre des préoccupations, ce matin, alors que le Bureau de la sécurité des transports (BST) rendra public son rapport d'enquête final.

Des accusations criminelles ont déjà été déposées contre la société ferroviaire impliquée, la Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA), ainsi que certains de ses employés. Plusieurs recours civils ont aussi été intentés au Canada et aux États-Unis.

Mais si le laxisme de Transports Canada a souvent été montré du doigt comme étant l'un des facteurs qui ont contribué au drame, Ottawa maintient que c'est la négligence de certains individus, et non la sienne, qui a causé la mort de 47 personnes le 6 juillet 2013.

«Le BST va-t-il réitérer la position de la ministre [Lisa Raitt] ou la remettre en question? Ce sera un aspect critique du rapport», estime le directeur du Centre canadien des politiques alternatives, Bruce Campbell.

Dans un rapport publié hier et intitulé Aveuglement volontaire?, le groupe de réflexion d'Ottawa remet cette position en question et énumère une dizaine de manières dont Ottawa a failli à sa responsabilité de superviser la sécurité du secteur ferroviaire.

Les manquements allégués incluent l'autorisation donnée à MMA de faire fonctionner ses trains avec un seul conducteur et celle de transporter du pétrole brut dans des wagons DOT-111.

«J'espère qu'une large partie sera dévolue à la part de responsabilité non négligeable qu'a Transports Canada dans ce dossier», a réitéré Jacques Vandersleyen, un expert du secteur ferroviaire joint par La Presse.

Un autre expert du secteur des transports, David Jeanes, a rappelé que «le BST insiste pour dire que son mandat n'est pas d'attribuer une responsabilité; il identifie des causes». M. Jeanes est l'ancien président de Transport Action Canada, un groupe de citoyens utilisateurs de services de transport.

- avec Hugo de Grandpré