Une mauvaise surprise attendait Guy Ouellet dans sa boîte aux lettres au lendemain des commémorations du premier anniversaire de la tragédie de Lac-Mégantic.

L'homme qui a perdu sa conjointe, Diane Bizier, dans le déraillement de train meurtrier n'en revenait pas, hier, lorsqu'il a ouvert la lettre avec l'entête de la Ville de Lac-Mégantic.

Déjà ébranlé par un week-end passé à pleurer sa conjointe et ses nombreux amis disparus, M. Ouellet a eu l'impression de recevoir un coup de poignard dans le dos lundi matin.

La Ville lui réclame 400 $ en droit sur les mutations immobilières, communément appelé « taxe de bienvenue », parce qu'il a racheté la part de la maison, qui appartenait à sa conjointe morte, pour pouvoir continuer à y vivre.

Le couple avait acheté la modeste résidence il y a cinq ans. Après la tragédie, M. Ouellet, ouvrier à l'usine Masonite, se demandait même s'il arriverait à payer seul l'hypothèque.

Cette incertitude financière s'ajoutait au vide béant laissé par la mort subite de la femme de sa vie à l'âge de 46 ans. Le 6 juillet 2013, comme tous les vendredis soir, le couple prenait une bière au Musi-Café. Fatigué, M. Ouellet est rentré à la maison plus tôt. Cela lui a sauvé la vie.

Colère

En entrevue à La Presse hier, M. Ouellet peinait à réprimer sa colère, d'autant que les politiciens de tous les ordres gouvernementaux se sont déplacés en personne le week-end dernier pour rappeler aux Méganticois qu'ils n'abandonneraient pas la ville frappée par la tragédie.

Aux yeux de M. Ouellet, même si la somme n'est pas exorbitante, la contradiction est forte. La mairesse Colette Roy Laroche a encouragé ses concitoyens à garder courage et espoir durant tout le week-end. De son côté, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a déclaré, pas plus tard que dimanche, que le Québec n'allait pas laisser tomber les gens de Lac-Mégantic, notamment en aidant les proches des victimes.

M. Ouellet aimerait que les politiciens passent de la parole aux actes. « Mon notaire m'avait averti que la Ville pouvait me réclamer cette taxe puisque je rachetais la part de Diane, mais il me semble que je n'avais pas besoin de ça, surtout en ce moment », dit cet ouvrier d'usine qui s'attendait à plus de compassion dans les circonstances.

Mauvais timing

La Ville du Lac-Mégantic admet que le moment était mal choisi pour lui faire parvenir cette lettre. « Le timing n'est pas idéal, mais ce n'est pas un manque de compassion de notre part. Il s'agit de considérations légales », indique son porte-parole, Louis Longchamps.

Dans son testament, Diane Bizier léguait la part de sa maison à son frère et à sa soeur. Ces derniers ont ensuite vendu la part de Mme Bizier à M. Ouellet. « C'est très technique, explique M. Longchamps. Comme il s'agit d'une seconde transaction au sens de la loi, nos fonctionnaires ne pouvaient rien faire. Si ça avait été une première transaction, il aurait bénéficié d'un programme d'aide du gouvernement provincial qui permet d'éponger cette taxe. »

La Ville promet de réétudier le cas de Guy Ouellet dans les prochains jours.