Verrouillage des locomotives, supervision des convois, systèmes de freinage: le Canadien Pacifique a décidé d'amender son manuel d'instructions afin d'éviter qu'une catastrophe comme celle de Lac-Mégantic ne se reproduise.

«Les récents évènements nous ont donné l'occasion de procéder à une revue approfondie de nos procédures de sécurité, ce que nous faisons constamment», a fait valoir le porte-parole de l'entreprise ferroviaire, Ed Greenberg.

Il sera notamment désormais obligatoire de verrouiller les locomotives des convois qu'il est «nécessaire» de laisser sans surveillance en dehors d'un terminal ou d'un centre de triage, a tranché l'entreprise.

Cette pratique était déjà en vigueur dans «certaines zones à haut risque», mais elle sera dorénavant appliquée à l'ensemble du réseau, précise le CP dans une déclaration écrite.

Le verrouillage des portes et des fenêtres d'un véhicule n'est-il pas une procédure sécuritaire de base? Après avoir longuement hésité à se prononcer sur cette question en entrevue téléphonique, Ed Greenberg l'a esquivée.

«Il s'agit tout simplement d'un changement officiel au libellé (des procédures) pour s'assurer qu'il est clair pour nos travailleurs que (la pratique) s'applique maintenant à tout le réseau», a-t-il affirmé.

Mais pour Jean-Paul Lacoursière, professeur associé au département de génie chimique de l'Université de Sherbrooke et expert dans la gestion des risques majeurs, il est évident que l'ancienne façon de faire du CP était risquée.

«Je ne peux pas juger du Canadien Pacifique. Le mot négligent est un mot très fort, mais s'ils laissaient ça sans verrouiller, c'était certainement imprudent, fortement imprudent», a-t-il exposé.

La tragédie survenue à Lac-Mégantic a également amené l'autre principale compagnie ferroviaire au pays, le Canadien National, à se pencher sur ses pratiques sécuritaires.

Le CN demandait déjà à ses employés de mettre le verrou. Selon la déclaration transmise jeudi par la compagnie établie à Montréal, «toutes les portes et les fenêtres des locomotives (sont) verrouillées» de façon systématique.

L'entreprise ferroviaire soutient s'être dotée de pratiques «robustes» pour s'assurer de la sécurité des trains laissés seuls, mais a tout de même entamé une révision de l'ensemble de ses règles de sécurité dans la foulée de la tragédie survenue à Lac-Mégantic dans la nuit du 6 juillet.

Son porte-parole, Louis-Antoine Paquin, a refusé de dire si les règles sécuritaires du CN étaient plus adéquates que celles en vigueur du côté du CP.

«Je vais vous laisser tirer vos propres conclusions», s'est-il contenté de répondre.

Il n'a pas non plus voulu commenter les méthodes de la Montreal, Maine and Atlantic (MMA). Plusieurs experts du secteur ferroviaire l'ont fait à sa place, affirmant que l'entreprise américaine avait été négligente et que ses infrastructures étaient en bien piètre état.

Le président du conseil de la société-mère de MMA, Edward Burkhardt, a pour sa part déjà blâmé le conducteur du train. Il a affirmé que Tom Harding avait omis d'actionner les freins à main des wagons-citernes remplis de pétrole qui ont terminé leur course folle dans le centre-ville de Lac-Mégantic, provoquant une série d'explosions majeures.

Les systèmes de freinage et les procédures entourant le serrage des freins sont ainsi bien évidemment sous la loupe des responsables du CN et du CP.

Alors que le CN a fourni des détails exhaustifs sur les procédures en vigueur à ce chapitre et sur ce qui est exigé de ses employés, le CP a refusé d'en faire autant.

«Nous ne nous lancerons pas dans un débat technique sur les détails de nos procédures en matière de systèmes de freinage», a répondu par écrit Ed Greenberg lorsque La Presse Canadienne lui a demandé de fournir davantage de précisions.

«Ce que je vais dire, c'est qu'elles respectent ou dépassent toutes les réglementations en matière d'application des freins.»

On sait cependant que les locomotives des deux compagnies sont équipées d'une «veille automatique» - un dispositif de secours qui déclenche l'arrêt complet des trains en déplacement lorsque aucune intervention n'est détectée au pupitre de conduite de leur locomotive.

Selon une note interne qui a circulé la semaine dernière au CP - obtenue par le Globe and Mail -, ces changements ont été effectués en prévision de l'entrée en vigueur prochaine d'une nouvelle réglementation à Transports Canada.

La porte-parole de la nouvelle titulaire de ce ministère, Lisa Raitt, n'avait pas encore donné suite à la demande d'entrevue de La Presse Canadienne en fin d'après-midi, jeudi.