Trouvée dans les ruines calcinées de sa jolie maison ancestrale, dans le petit sanctuaire de prière qu'elle avait aménagé, Éliane Parenteau-Boulanger, 93 ans, a été la première victime identifiée à Lac-Mégantic, jeudi dernier. Le week-end dernier, son fils unique croyait bien pouvoir préparer ses funérailles, mais il s'est buté à des portes closes à la morgue.

Geneviève Guilbault, porte-parole du Bureau du coroner, l'a reconfirmé hier: les corps des victimes, même identifiées, seront conservés afin que des «expertises plus poussées soient menées pour établir les circonstances exactes de leurs décès».

Mais pour les proches de ces 11 victimes désormais connues, cela ne fait que prolonger le deuil.

«Nous avons identifié ma mère rapidement grâce à deux bijoux et une plaque qui lui avait été placée sur le fémur il y a longtemps, et qui portait un numéro de série», raconte son fils Michel Boulanger.

«Après l'identification, le coroner m'a dit que je pouvais envoyer mon entreprise funéraire à la morgue pour récupérer sa dépouille. Quand ils sont arrivés, les gens de la morgue leur ont dit qu'ils ne pouvaient leur donner le corps. J'ai rappelé le coroner, qui m'a dit que, finalement, ils gardaient les corps jusqu'à ce qu'ils les aient tous retrouvés, pour faire des analyses comparatives, pour voir par exemple s'ils présentent tous le même niveau de toxicité», ajoute M. Boulanger.

«C'est pénible parce que tu ne peux pas faire ton deuil. C'est bien beau, des messes communautaires, mais ça n'est pas comme te retrouver ''one on one'' avec celle qui t'as mis au monde. J'aurais cru qu'ils pouvaient conserver divers prélèvements et remettre rapidement les corps», déplore-t-il.

Il n'en veut cependant pas aux coroners avec qui il a été en contact depuis le drame, et comprend la difficulté de leur mission.

«Ils sont très professionnels et humains. Je suis allé avec le coroner Clavet voir la maison de ma mère, la maison où j'ai grandi. Il m'a expliqué que le feu est sorti du trou d'homme devant chez elle, que sa maison a explosé et qu'elle n'a pas souffert», indique l'homme qui vit maintenant à Laval, mais qui parlait à sa mère deux fois par jour au téléphone.

Il garde de sa mère le souvenir d'une femme blagueuse, resplendissante, aux yeux perçants.

«Elle allait chaque jour seule à la pharmacie ou à l'épicerie. Elle téléphonait aux gens âgés et malades et priait pour eux une heure par jour. L'été, chaque soir de concert, au kiosque à musique dans le parc devant chez elle, elle installait 10 chaises dans son parterre et elle invitait des gens âgés et malades à prendre un café ou une bière en écoutant la musique. Jeudi, elle m'avait raconté qu'elle avait peint les petites roches qui bordent le sentier qui traverse son terrain», se remémore-t-il.

Jusqu'au 6 juillet dernier, Michel Boulanger gardait du train à Lac-Mégantic un souvenir romantique.

«Dans mon enfance, il y avait un train panoramique au toit vitré qui passait ici, qui allait jusqu'à Montréal. Ma mère m'amenait à Sherbrooke en train pour magasiner. Aujourd'hui, je pense qu'il ne doit plus passer en ville avec ce qu'il transporte. Il serait facile de déplacer les rails en périphérie, près du parc industriel. Avec un pont au-dessus de la rivière, ça entrerait direct dans le Maine», conclut l'homme.