Tirer neuf wagons remplis de pétrole, les pousser, boucher des trous d'homme pour anéantir les geysers de feu, étendre du gravier pour couper la route à la destruction, tout cela pendant que ça brûle de partout.

La nuit de l'apocalypse, à Lac-Mégantic, plusieurs travailleurs formés pour d'autres métiers sont montés à la ligne de feu pour sauver leur ville et les leurs. Parmi eux, on retrouve le conducteur du train, Tom Harding, des travailleurs de l'entreprise Tafisa, qui ont travaillé à déplacer des wagons de queue, ainsi que plusieurs de Lafontaine Excavation, qui travaillent encore aujourd'hui sur les lieux de la tragédie. L'entreprise a pourtant été durement éprouvée: la secrétaire ainsi que trois membres de la famille Lafontaine ont péri au Musi-Café.





Éloigner le danger

Cette nuit-là, à la demande du chef des pompiers, deux employés de Tafisa ont apporté un locotracteur dans le but d'éloigner de façon préventive des wagons qui n'avaient pas déraillé. Mais l'appareil n'était pas assez fort pour tous les tirer. Il a fallu utiliser des pelles mécaniques. «Ç'a été une opération en trois coups... Vers la fin, le brasier était très près d'eux. Les gars avaient l'adrénaline dans le tapis», a expliqué Louis Brassard, PDG de Tafisa.

Tom Harding, le conducteur du train, était à l'hôtel quand le feu a éclaté. Il s'est précipité et a revêtu un habit de pompier. C'est lui qui a détaché les wagons alors que la chaleur était extrêmement élevée. Selon les renseignements recueillis, il a risqué sa vie.

De bons réflexes

De son côté, Lafontaine Excavation s'est impliquée rapidement.

«Dix minutes après que c'est arrivé, mon gars m'a appelé pour me dire que la ville était en feu, explique Raymond Lafontaine, PDG de l'entreprise. Je suis parti, le gaz au fond. Arrivé là, ça pétait pis ça chauffait. On a amené les machines à la course. J'ai callé les gars, toute mon équipe est rentrée. Les manholes crachaient le feu à cent pieds dans les airs. Le fuel rentrait par les égouts en dessous des maisons. Pas un feu ordinaire, ça brûlait à 3000 degrés.»

«On a tiré les wagons, on a poussé, on a tassé, on a rempli des manholes, on a charrié de la gravelle. Ils ont travaillé avec des pelles, Ils ont travaillé toute la nuit.»

M. Lafontaine est fier du travail de ses gars, et fait l'éloge la Sécurité publique et des pompiers. «Ç'a été épatant, les gars ne se sont pas enfargés, ça a fonctionné à 200%. Quand les équipes sont arrivées de Saint-Georges et de Sherbrooke, ça a été épatant», estime-t-il.

Travailler pour ne pas mourir

Raymond Lafontaine a perdu son fils Gaétan, deux brus et sa secrétaire. La douleur et la peine l'accablent. Il est en colère contre la société Montreal, Maine&Atlantic Railways. Depuis vendredi, il prend des médicaments pour dormir le soir, il pleure, mais il est au boulot tous les jours. Ses hommes travaillent sur le chantier de la destruction.

«On n'a pas le choix de continuer. Il faut bien les déterrer, ces morts-là», conclut-il.