Quatre jours après l'incendie provoqué par le déraillement d'un convoi de wagons-citernes, qui a ravagé le centre-ville de Lac-Mégantic et tué plusieurs personnes, le président de la compagnie mère de la Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA), Ed Burkhardt, est arrivé hier à l'aéroport international Montréal-Trudeau. Escorté par deux gardiens de sécurité vers l'extérieur du terminal, pourchassé par les médias, il a finalement accepté de répondre aux questions des journalistes et a affirmé clairement, pour la première fois depuis la tragédie, que sa compagnie avait une grande part de responsabilité à assumer.

« Bien sûr que je crois que nous sommes en partie responsables. Nous avons une grande part de responsabilité pour cet accident. Mais nous ne sommes toutefois pas les seules personnes responsables », a martelé le président de Rail World, Ed Burkhardt.

La veille, questionné par La Presse sur la suite des événements qui a mené à la tragédie de Lac-Mégantic, M. Burkhardt a ciblé les pompiers de Nantes, qui avaient éteint le moteur de la première locomotive lorsqu'ils ont mis fin à un incendie mineur sur le convoi, le soir même. La pression des freins s'était alors relâchée, laissant le train sans surveillance à la dérive, avait-il expliqué.

Or, cette hypothèse a été catégoriquement contredite depuis. Le vice-président de la conférence du rail au syndicat des Teamsters, Doug Finnson, a expliqué que ce sont les freins manuels qui empêchent de tels convois d'avancer. Depuis, M. Burkhardt a tenté de nuancer ses propos.

« Je n'ai jamais jeté le blâme sur les pompiers. Je crois toutefois qu'ils ont joué un rôle dans la tragédie. Cela veut-il dire qu'ils en sont responsables ? Non, mais c'est un facteur important », a précisé le président de Rail World.

« Il y a deux possibilités. Soit que les freins manuels étaient mal actionnés, ou que les mesures de sécurité établies conjointement [par le Canada et les États-Unis] sont inadéquates pour la taille et la lourdeur d'un convoi comme le nôtre », a dit M. Burkhardt.

En route vers Lac-Mégantic

Ed Burkhardt rejoindra aujourd'hui à Lac-Mégantic le président-directeur général de la MMA, Robert Grindrod, qui est sur place depuis le jour suivant la tragédie. Selon ce qu'a expliqué M. Grindrod, lorsque La Presse l'a repéré dans un restaurant de la municipalité, c'est l'horaire chargé de la mairesse de Lac-Mégantic qui l'a empêché de prendre la parole publiquement. « La bonne chose à faire » était de discuter avec elle avant d'organiser une quelconque conférence de presse. Il a toutefois juré avoir lui-même rencontré des sinistrés.

Pour sa part, Ed Burkhardt a vivement rejeté les critiques de ceux qui disent qu'il aurait dû se rendre au Québec plus rapidement. « Je suis resté à mon bureau pour appeler les assureurs et les autorités environnementales compétentes, alors que celui qui dirige la MMA, Robert Grindrod, était sur place. Je crois avoir pris la bonne décision », s'est-il défendu.

M. Burkhardt annoncera aujourd'hui que Rail World entend aider « de façon significative » la municipalité et les victimes. Toutefois, il a insisté sur le fait que la compagnie n'avait pas la capacité de financer un nouveau chemin de fer qui contournerait le centre-ville, comme le demande la mairesse. « La population doit s'adresser à Québec et à Ottawa si elle veut aller de l'avant avec ce projet. Le problème ici, comme dans plusieurs autres situations, c'est le manque d'argent », a-t-il dit.

Aussi questionné à savoir si les trains de sa compagnie seront à nouveau laissés sans surveillance pendant les changements de quarts de travail, Ed Burkhardt a promis que ce ne sera plus le cas. Toutefois, il a nuancé le discours de ceux qui disent qu'une telle pratique est dangereuse.

« Vous allez penser que je suis un mur de pierre, mais je crois que laisser un train sans surveillance est quelque chose de tout à fait normal au Canada et aux États-Unis. Ça se fait partout », a-t-il dit.

Avant de mettre fin au point de presse improvisé avec les médias présents à l'aéroport, le président de Rail World a répondu à une dernière question, posée par La Presse.

« Que voulez-vous dire à la population touchée par l'événement ? », a-t-on demandé.

« Que j'ai le coeur brisé. Mais aussi, que je ne suis pas seul dans cette compagnie », a-t-il tenu à rappeler.