Avant même que Luka Rocco Magnotta soit arrêté, en mai 2012, le psychiatre Gilles Chamberland croyait que le fugitif soupçonné du meurtre de Lin Jun n'avait pas de maladie mentale. C'est ce qu'il croit encore aujourd'hui.

« Votre thèse, on la connaît, vous l'avez donnée 16-20 fois en mai et juin 2012 », lui a reproché Me Luc Leclair, qui représente l'accusé.

Hier, en contre-interrogatoire, Me Leclair a fait valoir que le Dr Chamberland avait une idée bien arrêtée dès le début de cette affaire. Il a même fait jouer l'enregistrement d'une entrevue que le psychiatre a donnée à René Homier-Roy, à la radio de Radio-Canada, le 31 mai 2012, après la découverte du corps démembré de Lin Jun.

« On ne parle que de ça depuis hier, c'est une histoire absolument horrible, la police cherche toujours Luka Rocco Magnotta, un acteur porno soupçonné d'avoir démembré un homme, avoir filmé la scène et expédié des parties du corps par la poste... », résumait l'animateur, avant de s'entretenir avec le psychiatre Chamberland, pour « essayer de comprendre ».

« Un tueur fou ou un tueur calculateur ? », a demandé M. Homier-Roy.

« Avec les informations qu'on a, ce qui est le plus effroyable, c'est qu'on n'a aucun indice que cet homme-là a une maladie, au sens où, tout à coup, une maladie s'empare d'un individu et lui fait faire des choses alors qu'il n'est plus dans la réalité. 

« Dans ce cas-ci, tout porte à croire que cet individu n'a pas de maladie, c'est intrinsèque dans sa personnalité. C'est trop méthodique... La vidéo est effroyable... non seulement il était en contact avec ce qu'il était en train de faire, mais il prenait plaisir à le faire. »

Le psychiatre spécialisé en psychiatrie légale a donné plusieurs entrevues du genre à l'époque. Après, on le sait, il a été retenu par la Couronne pour faire contrepoids aux experts retenus par la défense. Ceux-ci, les Drs Joel Watts et Marie-Frédérique Allard, ont conclu que Magnotta souffre de schizophrénie et ne pouvait distinguer le bien du mal lors des faits, en raison de la psychose dont il souffrait.

Le Dr Chamberland pense que Magnotta n'a pas de maladie mentale, mais un trouble de la personnalité narcissique et histrionique, avec des perversions comme le sadisme.

Me Leclair lui a reproché d'avoir pris ce qui faisait son affaire (cherry picking) dans le dossier et d'avoir négligé les autres informations, comme les rapports médicaux sur Magnotta au début de son âge adulte. Le Dr Chamberland a rétorqué qu'il aurait bien voulu rencontrer Magnotta pour l'évaluer. On sait que l'accusé a refusé.

L'importance de Basic Instinct

Un peu plus tôt dans la journée, le Dr Chamberland avait fait ressortir que le film Basic Instinct était « fondamental » dans le dossier Magnotta. Le psychiatre trouve « troublant » le fait que le tournevis ayant servi à poignarder Lin Jun, le 25 mai 2012, a été peint couleur argent, ce qui le fait ressembler au pic à glace utilisé par Sharon Stone, dans le film.

Le Dr Chamberland sera à la barre pour la sixième journée, aujourd'hui.

Rappelons que Luka Rocco Magnotta est accusé du meurtre et du démembrement de l'étudiant chinois Lin Jun. On lui reproche aussi d'avoir expédié des parties du corps à des partis politiques et à des écoles de Vancouver, et d'avoir harcelé le premier ministre Stephen Harper et les membres du Parlement.