Jean-Christophe Robert, qui a accueilli Luka Rocco Magnotta chez lui, en France, le 28 mai 2012, soit trois jours après le meurtre de Lin Jun, a décrit son visiteur comme étant calme, posé, courtois, poli, et éduqué. Ils ont parlé de tout et de rien, même de politique, et n'ont pas eu de relations sexuelles.

C'est ce que Jean-Christophe Robert a raconté, le 25 juin dernier, quand il a été interrogé en France, dans le cadre d'une commission rogatoire. Ce témoignage enregistré sur vidéo a été montré au jury, lundi matin, au procès de M. Magnotta.

M. Robert, âgé de 51 ans, a commencé à correspondre avec Magnotta par le biais du site de rencontres gai «PlanetRomeo», vers le mois de mai 2012. Magnotta avait l'idée d'aller s'établir en Europe, peut-être même en France, se souvient le témoin. Magnotta est arrivé plus tôt que prévu, et a informé M. Robert de son arrivée, le 27 mai. Il disait être à l'hôtel Novotel de Bagnolet. M. Robert l'a invité à venir chez lui, le lundi soir 28 mai. 

À son arrivée chez M. Robert, le lundi soir, Magnotta l'a complimenté sur son appartement, et a demandé s'il fallait enlever ses chaussures. Ils ont pris des apéros, bu du vin et mangé des cacahuètes. M. Robert, dit avoir conjugué quelques verbes sur papier, pour aider M. Magnotta qui ne parlait pas beaucoup français. 

M. Robert, qui travaillait le lendemain, dit s'être couché dans son lit, peut-être vers minuit, tandis que Magnotta a dormi sur le canapé. Le lendemain matin, Magnotta est parti en disant qu'il avait des choses à faire et des rendez-vous. Le témoin a assuré qu'ils n'avaient pas eu de relations sexuelles. Ils devaient se revoir le 4 juin, mais cela ne s'est jamais produit puisque M. Magnotta a été arrêté à Berlin ce jour-là.  

En contre-interrogatoire, l'avocat de la défense, Luc Leclair, s'est employé à mettre à mal la version donnée par le témoin. «Vous êtes nudiste. Quand M. Magnotta est arrivé chez vous, vous lui avez demandé de se déshabiller et de mettre ses vêtements dans la chambre», a suggéré Me Leclair.

«Pas dans la chambre», a répondu le témoin, manifestement agacé.

Me Leclair a ensuite tenté d'explorer les préférences sexuelles de M. Robert, afin de démontrer qu'il avait eu des exigences très particulières envers Magnotta.

M. Robert s'est défendu en disant «il y a du délire dans tout ça.»

Magnotta est donc parti de chez M. Robert le matin du mardi 29 mai. Le vendredi, M. Robert a vu dans Le Figaro, l'avis d'Interpol avec la photo de Magnotta, indiquant qu'il était recherché pour meurtre. M. Robert a paniqué, s'est demandé quoi faire. 

Le lendemain, il s'est rendu au poste de police pour donner des informations sur le fugitif. Il avait un numéro de téléphone et le nom de l'hôtel de Magnotta.

M. Robert n'a pas dit que Magnotta avait passé la nuit chez lui dans sa première déclaration. Il l'a dit plus tard.

Expert en balistique

La Couronne a fait entendre le témoignage d'un expert en balistique relativement aux six outils retrouvés dans les ordures derrière l'immeuble de l'accusé, de même qu'à des marques observées sur des os de la victime.

Gilbert Desjardins a indiqué que ces marques ne pouvaient être attribuées à l'un de ces outils en particulier, mais que des traces laissées par une lame de scie avaient été observées sur des vertèbres de Jun Lin. De plus, des marques qui semblent être celles d'un couteau ont été retrouvées sur des os.

M. Desjardins était le dernier de la quarantaine de témoins de la Couronne à s'adresser en personne aux jurés; les autres témoignages de la poursuite, enregistrés en Europe l'été dernier, seront diffusés dans la salle d'audiences, ou seront livrés en direct de l'étranger par vidéoconférence.

Les jurés ont aussi entendu cinq témoins d'une école de Vancouver, en lien avec les colis contenant des parties du corps de la victime.

Des responsables de l'école ont raconté qu'ils ont ouvert ces boîtes malodorantes, dans lesquelles ils ont découvert une main et un pied appartenant à M. Jun.

Plus tôt lundi matin, une avocate montréalaise est venue répondre aux questions concernant sa mère âgée, dont le nom et l'adresse de retour figuraient sur deux colis contenant des restes humains de Jun Lin et postés aux bureaux des partis conservateur et libéral à Ottawa.

Sylvie Bordelais a expliqué aux jurés que sa mère Renée, âgée de 81 ans, habitait dans les Antilles en mai 2012, et non à l'adresse inscrite sur les colis. Mme Bordelais n'a pas non plus reconnu l'écriture de sa mère, qui aurait de toute façon été incapable physiquement d'écrire quoi que ce soit, en raison de son état de santé, a-t-elle dit.

Magnotta fait face à cinq chefs d'accusation: meurtre prémédité, outrage à un cadavre, harcèlement criminel du premier ministre Stephen Harper et d'autres députés fédéraux, production de matériel obscène, et utilisation de la poste pour envoyer du matériel obscène.

La Couronne devrait conclure la présentation de sa preuve cette semaine, et la défense appellera ensuite ses témoins, peut-être même dès vendredi.

- Avec La Presse Canadienne