Frank Rubert, l'Allemand qui a hébergé Luka Rocco Magnotta pendant presque cinq jours à Berlin, en juin 2012, et qui était avec lui «24 heures sur 24», estime que ce dernier agissait normalement. Il parlait normalement, buvait de l'alcool, ne prenait pas de drogue, et il ne l'a jamais vu non plus prendre des médicaments.

C'est ce qui ressort du témoignage que M. Rubert a livré, hier, au procès de Magnotta, jugé pour le meurtre et le démembrement de Lin Jun. Après avoir tué l'étudiant chinois, le 25 mai, Magnotta est parti en France. Quelques jours plus tard, le 31 mai, il s'est rendu en car en Allemagne, pour retrouver un homme dont il venait de faire la connaissance sur le site internet GayRomeo. Cet homme, Frank Rubert, est allé l'attendre à la gare. L'homme de 53 ans avait hâte de voir arriver son beau correspondant. Mais il a été déçu en voyant Luka Rocco Magnotta descendre de l'autocar.

«Il n'était pas comme sur les photos de GayRomeo. Il était mal habillé, il avait les cheveux longs. Je n'aime pas les cheveux longs», a raconté M. Rubert, qui a aussi admis que Magnotta semblait plus vieux en vrai que sur ses photos.

M. Magnotta, qui s'appelait William2323 sur GayRomeo, avait confié être à Paris. Il voulait aller à Berlin, et M. Rubert lui avait offert de venir chez lui.

M. Rubert s'attendait à ce que Magnotta lui demande de l'argent pour acheter le billet de car. Car c'est le genre d'arnaque que font souvent les jeunes aux dépens des plus vieux, sur le site GayRomeo, a-t-il expliqué. Mais Magnotta n'a rien demandé. Il est donc arrivé le jeudi matin.

Déçu par l'apparence de Magnotta, M. Rubert n'avait plus envie de l'amener chez lui, a-t-il dit. Mais il l'a fait, car il ne pouvait pas l'abandonner là.

Communication difficile

Il y avait un problème de communication entre eux. M. Rubert ne parle que l'allemand et M. Magnotta que l'anglais. Ils ont peu parlé pendant le trajet. Une fois chez M. Rubert, ils ont conversé par ordinateurs portables interposés, en utilisant Google Translate.

M. Rubert a dit à Magnotta que les cheveux longs n'étaient plus à la mode en Allemagne et qu'il devrait changer de tenue. M. Magnotta est allé à la salle de bains et en est ressorti au bout de 15 minutes, les cheveux courts.

Ils sont ensuite sortis pour  faire des emplettes. Magnotta avait de l'argent, vraisemblablement de 3000 à 5000 euros. «Prends ce que tu veux, ce qui est à toi est à moi», a déclaré Magnotta.

Pendant le séjour de Magnotta, ils sont beaucoup sortis au restaurant et dans les bars, et même dans un bordel, le Blueboy Bar. Magnotta se montrait généreux. Il a même payé 100 euros pour que Rubert obtienne les services sexuels de deux jeunes prostitués roumains dans les toilettes de l'établissement.

Magnotta racontait que son petit ami l'avait laissé et qu'il était venu de Paris pour prendre un nouveau départ, en Allemagne.

L'appartement de M. Rubert n'avait qu'une pièce. Ils dormaient dans le même canapé-lit, mais M. Rubert assure qu'ils n'ont pas eu de relations sexuelles ensemble, car Magnotta n'était «pas [son] genre».

M. Rubert a donné une clé de son appartement à Magnotta. Mais le lundi 4 juin, il devait s'absenter quelques heures, et il ne voulait pas que son visiteur reste seul dans l'appartement. Il lui a suggéré d'aller l'attendre dans un café internet.

En allant à son rendez-vous, M. Rubert a lu le journal dans le métro. Il est tombé sur la photo d'un type qui était recherché pour avoir tué et démembré un homme chinois à Montréal. La photo ressemblait à son pensionnaire. Il s'est rendu à la police. Pendant qu'il attendait, il a appris que Magnotta venait d'être arrêté dans un café internet.

Les policiers sont allés chez M. Rubert et ont saisi les affaires de Magnotta. C'est à ce moment que M. Rubert s'est aperçu que Magnotta avait une perruque dans un sac. Il a compris qu'il ne s'était pas coupé les cheveux, mais avait simplement retiré sa perruque.

Casier judiciaire

En contre-interrogatoire, l'avocat de la défense, Luc Leclair, a étalé en long et en large les antécédents judiciaires de M. Rubert, ce qui a vexé le témoin. Vols, fraude, conduite en état d'ébriété, sévices sexuels sur des mineurs... Une centaine d'accusations en tout. M. Rupert a déjà fait de la prison. Une fois, cependant, dans les années 2000, il a plutôt été envoyé en institut psychiatrique pour trois mois. Me Leclair a suggéré au témoin qu'il avait un trouble de la personnalité. Ce que le témoin a nié avec humeur. Il avait un problème d'alcool, mais pas de maladie mentale.