Luka Rocco Magnotta, accusé du meurtre et du démembrement d'un étudiant chinois à Montréal l'an dernier, a déjà été soigné pour une schizophrénie paranoïde, et son psychiatre avait prévenu en 2005 qu'il ne prenait pas toujours ses médicaments.

Une lettre rédigée par le psychiatre de Magnotta figurait au dossier du tribunal qui a condamné l'homme pour fraude en 2005. Selon la lettre du spécialiste, il souffrait d'un trouble psychiatrique majeur.

Le docteur Thuraisamy Sooriabalan, du Rouge Valley Health System, à Toronto, y indique que Magnotta souffrait de schizophrénie paranoïde depuis au moins l'an 2000, et qu'il avait été hospitalisé à plusieurs reprises.

Il écrit également qu'on avait prescrit à Magnotta - né Eric Newman - des antipsychotiques mais qu'il ne les prenait pas toujours, s'exposant ainsi à des épisodes de paranoïa, à des hallucinations auditives et à une peur de l'inconnu.

«Malheureusement, M. Newman ne se montre pas très assidu avec le service de consultations, ce qui fait qu'il ne prend pas ses médicaments», mentionne le Dr Sooriabalan dans la lettre datée de mai 2005.

Au moment de rédiger la lettre, le psychiatre n'avait pas vu son patient depuis le mois de février, bien qu'il lui avait été demandé de se présenter dans un délai de 30 jours pour assurer un suivi sur sa médication, écrit le Dr Sooriabalan.

Publication contestée

La lettre vient tout juste d'être dévoilée à l'issue d'une bataille juridique entre médias et avocats pour en permettre sa publication.

Un journaliste du quotidien Globe and Mail tentait depuis longtemps, en vain, de mettre la main sur ce document. Un groupe de médias a alors embauché un avocat pour plaider leur cause afin d'obtenir la lettre du psychiatre.

L'avocat montréalais de Magnotta, Luc Leclair, a tenté d'empêcher la publication de cette lettre, mais le juge de la Cour de l'Ontario Fergus O'Donnell a tranché mardi après-midi qu'elle devrait être rendue publique.

Le document, publié finalement mercredi matin, contient certes des informations personnelles et médicales, mais l'argument de la protection de la vie privée est à écarter dès lors que la lettre a été déposée lors d'un procès, a écrit le juge dans sa décision.

«Le fait d'interdire la publication de cette lettre n'aurait pas permis à la population de participer à une évaluation pertinente ou un débat concernant ce qui est arrivé à M. Newman en 2005, dans ce qui devait être un processus judiciaire ouvert et transparent», a écrit le juge O'Donnell.

La lettre publiée mercredi figurait dans le dossier d'un tribunal ontarien où Magnotta avait été condamné, en 2005, à une peine de neuf mois avec sursis dans une affaire de fraude. La juge Lauren Marshall avait déclaré à l'époque qu'elle ne pouvait lui ordonner de prendre ses médicaments que pour une période de neuf mois, mais qu'elle espérait qu'il continuerait à le faire par la suite.

«Monsieur, vous avez un problème de santé, et vous devez constamment prendre vos médicaments. Si vous ne le faites pas, votre existence s'en trouvera bouleversée», avait-elle soutenu.

Magnotta avait admis avoir abusé d'une jeune déficiente intellectuelle rencontrée via internet. Il lui avait fait obtenir du crédit dans des magasins comme Sears et Brick, et s'en était servi pour obtenir diverses marchandises. Les factures ont atteint finalement des milliers de dollars. Il détenait également une carte de crédit au nom de la jeune femme.

Magnotta, aujourd'hui âgé de 30 ans, est actuellement l'objet de plusieurs chefs d'accusation, dont celui de meurtre prémédité, relativement à la mort sordide de Jun Lin, étudiant en génie à l'université Concordia. Les audiences préliminaires dans cette affaire, qui avait fait grand bruit en mai dernier, font relâche au palais de justice de Montréal; elles doivent reprendre lundi prochain.