Les avocats défendant le Canadien Luka Rocco Magnotta, accusé du meurtre et du dépeçage du corps d'un jeune Chinois à Montréal, auront du mal à prouver qu'il n'est pas responsable de ce crime qui semble avoir été planifié, estiment de nombreux experts.

«Ils vont plaider l'aliénation mentale, ça c'est sûr», a dit à l'AFP un professeur de droit à l'Université de Montréal, Hugues Parent, qui est un expert dans la notion de «responsabilité criminelle».

«Ils n'ont pas d'autre choix parce qu'ils ne peuvent pas nier le crime.»

Magnotta, 29 ans, est accusé d'avoir sauvagement tué Lin Jun - un étudiant chinois de 33 ans avec qui il aurait eu une relation -, à coups de pic à glace dans la nuit du 24 au 25 mai à Montréal, d'avoir démembré son corps et d'avoir filmé puis diffusé la scène sur internet.

L'homme originaire de Toronto aurait ensuite envoyé par colis postal les mains et les pieds de la victime à deux partis politiques canadiens et à deux écoles de Vancouver.

Le tronc de la victime avait été retrouvé dans une valise mise aux ordures dans une ruelle de Montréal, près du logement de Magnotta. La tête n'a pas encore été retrouvée.

Après avoir fui à Paris, Magnotta avait été arrêté le 4 juin dans un cybercafé de Berlin, alors qu'il lisait apparemment sur internet des articles à son sujet.

Extradé par l'Allemagne, il a plaidé non-coupable la semaine dernière à Montréal de cinq chefs d'accusation, notamment ceux de meurtre prémédité, outrage à cadavre et publication de matériel obscène.

«Une personnalité antisociale»

«En raison de la grande planification du crime, je suis loin d'être certain que cette personne est psychotique», a dit Hugues Parent, qui n'est pas impliqué dans la défense de Magnotta, ancien acteur bisexuel dans des films pornographiques.

Soulignant son extrême cruauté, M. Parent estime que «c'est une personne qui (...) a des traits ou caractéristiques d'une personnalité antisociale».

«Il va chercher à satisfaire ses propres besoins. Il est prêt à faire mal aux autres et il peut rechercher une certaine forme de notoriété», souligne M. Parent, qui avait conseillé les avocats de la défense représentant Guy Turcotte, un cardiologue québécois déclaré «criminellement non-responsable» du meurtre de ses deux enfants en 2009.

Les avocats de Turcotte avaient réussi à convaincre la cour que ce dernier était suicidaire lorsqu'il a tué ses enfants à coups de couteau, et ce dernier a été envoyé dans un institut psychiatrique.

«À partir du moment où on arrive à la conclusion que ce n'est pas une personne psychotique et que c'est une personne psychopathe ou une personne avec une personnalité antisociale, la défense d'aliénation mentale n'a aucune chance de passer», précise-t-il.

D'autres experts partagent cette opinion.

«Je ne peux pas m'imaginer quelqu'un prétendre que ce type n'est pas coupable en raison de troubles mentaux», a déclaré Don Dutton, un psychologue et spécialiste de la violence à l'université de Colombie-Britannique, qui a témoigné dans plusieurs procès notoires.

«En supposant qu'il a fait ce dont on l'accuse, il y a un mélange de rage et de problèmes d'identité et de sexualité qui est très profond chez cet individu», a dit M. Dutton.

De toute façon, «ce n'est pas parce que vous avez une personnalité antisociale et des traits de psychopathe que la justice va vous acquitter», renchérit Brad Booth, un psychiatre qui travaille au Centre de santé mentale d'Ottawa.

«L'approche vis-à-vis de ces individus est de les enfermer, sans égard à leurs motivations et peu importe si ce qui a mené à ce comportement est soignable», ajoute-t-il.

Magnotta doit comparaître devant la justice au début de l'an prochain et une «enquête préliminaire» doit ensuite avoir lieu en mars en prévision d'un éventuel procès.

Il est actuellement détenu à Rivière-des-Prairies.