En ouvrant son journal dimanche matin, la femme a eu un choc. Cet homme à droite sur la photo, tenant le bras d'une femme étendue sur une civière, n'était pas un étudiant ordinaire. Il s'appelait Patrick Walsh.

«Il y a plus d'un homme qui a souffert des suites de la tuerie de Poly», a raconté hier la femme, amie de l'étudiant d'alors, en entrevue à La Presse. Pour des raisons personnelles, elle a accepté de raconter l'histoire de son ami à condition que sa propre identité soit gardée confidentielle.

En 1989, le jeune homme poursuivait ses études en génie à l'École polytechnique, tout en travaillant comme ambulancier à Urgences Santé. Le 6 décembre, donc, Patrick était à Polytechnique. Avant même que les ambulanciers aient pu entrer dans l'immeuble (leur intervention a été retardée parce que les autorités croyaient avoir affaire à plus d'un tireur), le jeune homme a prodigué les premiers soins aux blessés. C'est pourquoi il apparaît sur la photo en civil, en train d'aider un collègue à transporter une victime.

L'étudiant et ambulancier est resté profondément marqué par l'événement, hanté par le souvenir de la tragédie. C'est aussi, raconte la femme, ce qui a précipité sa descente aux enfers. Trois ans plus tard, Patrick s'est enlevé la vie. Au moins un autre étudiant de Poly s'est aussi suicidé dans les années qui ont suivi le drame.

«On a traité les hommes de lâches pour n'avoir rien fait», dit l'amie de Patrick, qui souhaite que l'intervention de son ami ne tombe pas dans l'oubli. «Ce qu'on ne sait pas, c'est qu'il y a aussi des étudiants qui ont empêché les ambulancières d'entrer dans l'immeuble, qui les ont carrément prises par les épaules pour les empêcher d'entrer parce que, leur disaient-ils, le tireur ne visait que des femmes.»