Chaque année en février, le Mois de l'histoire des Noirs défie les catégories. Culturel? Politique? Social? C'est selon.

Un documentaire sur le Montréal haïtien. Un festival de chanson et de cinéma. Une conférence sur les Noirs dans le monde scientifique. Une manifestation pour le retour des cheveux crépus. Un concours de beauté africain. Une pièce de théâtre, des expositions, des tables rondes, des matchs de foot. Voilà un petit aperçu des nombreuses activités prévues à Montréal pour le Mois de l'histoire des Noirs, qui se déroulera pendant tout le mois de février.

Vous avez dit éclectique? Vous avez raison. Vingt et un ans après sa fondation, on ne sait toujours pas comment classer ce festival qui navigue entre le culturel, le politique et le social. Mais son objectif reste clair: sensibiliser le grand public à la réalité noire dans le monde et, surtout, rejoindre les jeunes Blacks en quête de repères identitaires. Nos suggestions.

Les fous de Dieu

Chaque été, la diaspora haïtienne converge en masse vers les lieux saints du Québec. Ils vont à l'Oratoire, à Sainte-Anne-de-Beaupré, mais aussi et surtout à Notre-Dame-du-Cap, pour célébrer la fête de l'Assomption. En provenance de Boston, de New York ou de Miami, ces fervents catholiques dépensent jusqu'à 700$ pour ce voyage organisé, qui dure à peine quelques jours. Et c'est au son de leurs prières que le Montréalais Will Prosper a réalisé Les derniers pèlerins, un documentaire pour le moins spirituel, qui sera présenté en ouverture du festival multidisciplinaire Fondu au noir (fonduaunoir.ca), le 1er février, au cinéma de l'ONF.

Militant et intervenant communautaire (Montréal-Nord Republik), M. Prosper est plus habitué aux jeunes rappeurs qu'aux vieilles bigotes. Mais il porte sur ces fous de Dieu un regard sans jugement, voire tendre, à la limite de l'admiration. «Je savais que les Haïtiens avaient une dévotion intense, mais je n'aurais jamais pensé que ce l'était autant», dit-il.

Comme partout ailleurs, du reste, la religion pique du nez et les autocars nolisés du Seigneur se remplissent de moins en moins chaque année... d'où ce titre aux odeurs de fin du monde. Avis aux intéressés: le cinéaste Roger Boisrond présente de son côté Sakpasé, documentaire aigre-doux sur la communauté haïtienne de Montréal, le 23 février à 17h, au Centre récréatif de Rivière-des-Prairies.

Minorité visible invisible

Pas facile d'être gai au Québec. Alors imaginez en Afrique, où l'homosexualité est considérée comme un crime dans la majorité des pays. Chaque année, des dizaines de personnes demandent l'asile à Montréal pour pouvoir vivre ici leur «différence». Malheureusement, cela ne règle pas tous les problèmes, car la pression est aussi grande que la communauté africaine est petite. Accueillis par leur famille plus ou moins immédiate, certains n'arrivent tout simplement pas à sortir du placard.

C'est pour les aider dans leur processus d'acceptation que l'organisme Arc-en-ciel d'Afrique organise Massimadi, un festival de cinéma consacré aux films LGBT (lesbiens, gais, bisexuels, transgenres) afro-caribéens. Massimadi est la contraction des mots massissi et madivine, qui veulent dire respectivement «gai» et «lesbienne» en créole.

Parmi les 10 films présentés à l'UQAM, à la Cinémathèque et à l'ONF, on verra notamment Change (sur un jeune Noir qui découvre son identité le soir où Obama est élu) et Être soi-même, documentaire sur trois gais et lesbiennes montréalais d'origine afro-antillaise. Du 6 au 12 février. Information: www.massimadi.com

Pour le retour du frisé

Toute sa jeunesse, Michèle Berek Yah a été obligée de se faire défriser les cheveux. Jusqu'au jour où, brûlée au cinquième degré, la jeune femme d'origine haïtienne a décidé que c'était assez. Non seulement elle porte aujourd'hui fièrement ses tresses, mais elle vient de lancer Frobruary, un mouvement pour combattre la dictature du cheveu lisse. «Il y a un vrai problème identitaire dans la communauté noire, explique la comédienne. Neuf femmes sur dix ont les cheveux plats, une perruque ou des rallonges. On en voit rarement qui ont les cheveux frisés, au naturel, parce qu'on considère ça comme négligé... C'est absurde! Comment se faire respecter si on ne respecte même pas nos propres racines?»

Le mois dernier, Michèle a ouvert une page Facebook et souhaite réaliser un documentaire sur ce curieux phénomène d'autonégation. Elle diffusera des images de ses premières entrevues les 9 et 16 février à L'Escalier (522, rue Sainte-Catherine Est) et veut profiter de l'occasion pour lancer une réflexion collective sur ce qu'elle décrit comme le signe d'un «complexe d'infériorité» non réglé. (www.facebook.com/frobruary)

Culture de la «Miss»

Elles sont jeunes, noires et plutôt jolies. Elles viennent du Cameroun, du Burkina Faso, du Sénégal, du Congo, du Burundi, du Rwanda ou de la Mauritanie, et elles participent au deuxième concours Miss Afrique, qui se tiendra le 11 février au Centre Pierre-Péladeau.

Plus qu'un simple concours de beauté, ce sera «une célébration de la culture africaine», souligne son coordonnateur, Doro Saïz, photographe d'origine béninoise. Comprendre qu'on n'y présentera pas seulement des «pitounes», mais également de la chanson, de la danse, de la mode et même du stand-up, avec des artistes montréalais issus des quatre coins du continent noir. «À part l'été, il ne se passe pas grand-chose pour les Africains de Montréal, souligne M. Saïz. On espère que cette soirée nous permettra de fédérer la communauté et de montrer qu'on est capables de s'organiser, au-delà de nos différences ethniques et nationales.» (missafriquemontreal.ca)

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Le Mois de l'histoire des Noirs, du 1er au 28 février. Programmation complète sur www.moishistoiredesnoirs.com à compter du 30 janvier. Renseignements supplémentaires: www.facebook.com/MoisHistoireDesNoirs