Imaginez une chaîne de télévision avec des animateurs noirs, asiatiques, amérindiens, latino-américains. Imaginez des talk-shows à saveur multiculturelle. Des lectrices de nouvelles en tchador. Des émissions de cuisine axées sur la gastronomie étrangère. Des retransmissions de spectacles africains. Et des téléromans réalisés par des Haïtiens.

Cette chaîne de télé, Fabienne Colas en rêve. Et elle vient d'en faire la demande au CRTC. Si tout se passe comme prévu, cette station pourrait prendre son envol d'ici trois ans, sur le câble.

«À la télévision québécoise, en ce moment, tout est conçu, préparé et présenté par des pure-laine, souligne la productrice. Avec ce projet, on offrirait aux communautés culturelles la possibilité de donner leur point de vue...»

L'ethnocentrisme de notre télé n'est plus un secret. Guy Fournier l'a dénoncé à l'émission de Christiane Charette. Les acteurs de couleur s'en plaignent de plus en plus. Les Anglos aussi, d'ailleurs. Pour les minorités, visibles ou non, il est extrêmement difficile de faire sa place au petit écran. Jadis miroir de notre société, la télévision ne reflète plus qu'une partie de la réalité québécoise.

Avec cette nouvelle station - dont le nom provisoire est Diversité TV -, Fabienne Colas souhaite remédier à la situation et combler le vide. Elle veut donner la place à d'autres accents, d'autres cultures, d'autres couleurs, d'autres visages et, surtout, d'autres regards. Elle veut que la chaîne soit pensée et conçue par ceux dont la voix n'est pas assez entendue. Comme elle le dit si bien: «J'ai décidé d'arrêter de râler et d'apporter mon grain de sel.»

100% francophone

Diversité TV diffuserait à 100% en français, avec de 15 à 35% de productions locales. On y trouverait des émissions de sports, des informations, des clips, des émissions sur la religion et la vie culturelle, des documentaires et beaucoup de films étrangers, qu'on ne voit habituellement que dans des festivals de cinéma à caractère ethnique comme Fantasia, Festivalissimo ou le Festival du monde arabe.

Mme Colas n'exclut pas, en outre, la retransmission de spectacles en collaboration avec divers organismes culturels montréalais. «Je suis ouverte à des ententes», lance la jeune femme d'origine haïtienne, qui est par ailleurs comédienne et directrice du Festival du film black de Montréal.

En somme, la station aurait toutes les caractéristiques d'une chaîne généraliste standard, mais «avec une autre saveur». Ses artisans seraient d'origine étrangère, mais pas nécessairement ses sujets. On y verrait la réalité québécoise sous un autre angle, en évitant les «castings» stéréotypés auxquels sont généralement confinées les minorités. «Les gens des communautés, quand ils sont invités à la télé, c'est uniquement pour parler de la culture de leur pays d'origine, résume Fabienne Colas. Là, je leur donnerais le champ libre pour parler de la société dans laquelle ils vivent, point à la ligne.»

À noter que Mme Colas n'a pas qu'un seul projet en matière de télé. La chaîne Bon Goût TV, consacrée à la cuisine et aux habitudes culinaires du monde entier, est également soumise à consultation sur le site du CRTC, et ce, jusqu'au 20 juin. L'organisme devrait se prononcer sur l'une et l'autre à l'automne. Avec une licence, Mme Colas aurait son «ticket» pour courtiser d'éventuels distributeurs.

La productrice, qui a bâti son projet sur l'intuition bien plus que sur des études de marché, est persuadée que le besoin est réel. Chose certaine, la place n'a jamais semblé aussi libre, alors que Metro 14 (anciennement CJNT) semble vouloir délaisser le créneau des productions locales à caractère multiculturel.

La pub? Les commanditaires? C'est encore et toujours le plus grand défi des médias dits «ethniques». Mais cela n'inquiète pas cette Oprah québécoise, qui croit pleinement à son projet.

«Je suis convaincue que cette chaîne ne fera qu'enrichir le milieu de la télé canadienne, conclut-elle. Parce qu'il ne faut pas se le cacher: beaucoup de minorités se sentent délaissées par la télé québécoise. C'est pour ça qu'elles se rabattent sur la télé américaine: c'est là qu'elles se voient. Mais avec ce projet, on pourrait réconcilier tout le monde...»

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Êtes-vous dans le mood?

On en a parlé il y a quelques semaines: le judaïsme est en pleine révolution. Branchés sur le cyberespace et la communication 2.0, les jeunes Juifs cherchent une nouvelle façon d'interpréter leur culture et leur religion. Certains le font par la musique, d'autres par la cuisine, les arts, les médias sociaux ou les regroupements alternatifs. Cette nouvelle judaïté, créative et multiforme, sera au coeur du festival The Mood, qui se tient demain toute la journée à l'espace Réunion, dans le Mile-End (6600a, rue Hutchison). Loin de votre synagogue hassidique préférée, ce festival de conférences, tables rondes, spectacles et autres interventions improbables a été organisé par de jeunes Juifs pour de jeunes Juifs qui cherchent leur place dans le monde moderne. Une cinquantaine d'ateliers sont au programme. Parmi ceux-ci: un débat d'humoristes (ashkénaze contre séfarade), une rencontre avec Stephen Bronfman (sujet: c'est comment, être un Bronfman?»), une autre avec Catherine Shvets, auteure du livre Hitler et la fillette (Flammarion), un atelier sur la nature «éco-érotique» de la prière juive (donné par un rabbin!), des performances du musicien Socalled et même un karaoké avec des chansons juives. On a bien hâte d'entendre ce que le coach Jean Perron a à dire sur son expérience avec l'équipe de hockey israélienne... www.lemood.ca