C'était le 13 décembre dernier. Mécontent d'un lien que j'avais fait dans l'un de mes textes entre lui et une personne accusée d'exportation de marijuana aux États-Unis, Joe Di Maulo m'avait convoqué dans son centre de prêts situé dans le petit centre commercial qu'il possédait rue Jarry, à l'angle de la rue Viau.

C'est en compagnie d'un garde du corps payé par le Journal de Montréal que je me suis rendu au rendez-vous, le coeur battant. J'ai sonné à la porte. Une sonnerie l'a déverrouillée et je suis entré dans un vestibule, un peu hésitant. Je me suis trouvé devant une seconde porte verrouillée, qui ne s'ouvrait qu'à la condition que la première soit refermée, comme dans les prisons. De nouveau, une sonnerie a retenti. J'ai pris mon courage à deux mains et je suis entré.

«Est-ce que je peux vous aider?», a demandé un homme en se levant, l'air méfiant. Ce dernier discutait avec une autre personne dans un bureau. Les deux hommes ressemblaient davantage à des gardes du corps qu'à des conseillers en prêts, mais il ne faut jamais se fier aux apparences.

«J'ai un rendez-vous avec M. Di Maulo», ai-je répondu.

Au même moment, une voix m'a interpellé. «M. Renaud, je suis M. Di Maulo. Venez dans le bureau du fond, nous allons discuter.»

Nous nous sommes assis dans la petite pièce dépourvue de décoration et, tout de suite, il m'a assuré qu'il n'avait rien à voir avec la drogue et qu'il ne voulait jamais être associé à ce type de crime. «J'ai des petits-enfants, et je ne veux pas que ceux-ci aient cette image de moi», a-t-il dit.

L'entretien, jusque-là à sens unique, aurait pu prendre fin à ce moment. Mais j'ai insisté et demandé une entrevue, ce qu'il a refusé. J'ai tout de même posé quelques questions sur ce qui circulait dans les journaux à propos de lui et de son beau-frère Raynald Desjardins, ainsi que des meurtres qui secouaient la mafia depuis deux ans. Rappelons que, quelques jours plus tard, Raynald Desjardins a été arrêté pour le meurtre de l'aspirant parrain Salvatore Montagna.

«Raynald Desjardins, il est de ma famille et je ne peux pas le renier. Il est toujours mon beau-frère et c'est certain que je le vois», m'a-t-il dit.

À cette époque de grands bouleversements dans la mafia, plusieurs sources m'indiquaient que le vieux mafioso se promenait seul dans la rue, sans garde du corps. Je lui ai demandé s'il craignait pour sa vie. Il a alors esquissé un sourire qui trahissait une certaine résignation.

«J'ai 70 ans, et il y a des gens qui ont 75 ans et qui ne devraient pas avoir peur pour leur vie, qui traversent la rue, qui se font frapper par un autobus et qui meurent. Je n'ai pas de garde du corps et je ne regarde pas derrière moi lorsque je marche dans la rue. Je marche avec ma conscience, et ma conscience, elle est propre», m'a-t-il dit.

Il m'a parlé de ses 50 années passées dans le show-business. À mon collègue David Santerre, Joe Di Maulo a aussi confié au téléphone qu'il n'était pas un mafioso, mais un honnête homme d'affaires qui a lancé la carrière de plusieurs artistes, comme Claude Blanchard. Il a aussi affirmé craindre que les commissaires aux libérations conditionnelles s'acharnent sur son frère, Vincent Di Maulo, dit Jimmy, et que cela les empêche de se voir dans les dernières années de leur vie, alors qu'ils se faisaient vieillissants.

Avec la collaboration de David Santerre

Pour joindre Daniel Renaud en toute confidentialité, composez le 514-285-7000, poste 4918