La Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) vient de refuser l'ouverture d'un bar rue Saint-Jacques, dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, parce qu'elle s'inquiète de la présence de Tony Magi, un homme d'affaires proche de la mafia italienne, parmi les promoteurs.

Antonio Magi, 51 ans, est notamment soupçonné d'avoir fait battre une relation d'affaires, souligne la Régie. Dans ce dossier «relié au crime organisé italien, la victime s'est fait agresser violemment dans le but de payer une présumée dette de 1,5 million qu'il devait (à l'agresseur)».

La décision, longue de 21 pages, est largement caviardée. Les noms sont presque tous effacés. Mais bien des descriptions ne laissent aucun doute: la présence de Magi dans le dossier soumis à la RACJ constituait le principal sujet d'inquiétude des régisseurs.

La demande de permis à la Régie concernait un bar que ses propriétaires voulaient déménager. Le café Jungle Bar/Rumours était auparavant situé au 5659, chemin Upper-Lachine, à Notre-Dame-de-Grâce, mais il a dû fermer ses portes il y a un an parce que le propriétaire de l'immeuble n'a pas voulu renouveler le bail.

Le nouveau local loué pour le bar est situé au 6710, rue Saint-Jacques. Or, l'immeuble appartient justement à l'homme qui s'était fait agresser violemment, en avril 2009, parce qu'il devait 1,5 million à Tony Magi. L'homme a eu plusieurs fractures au visage, qui ont nécessité une reconstruction chirurgicale. La Presse a tenté de lui parler, mais sans succès.

Officiellement, le Jungle Bar, qui a déjà porté d'autres noms, appartenait à une société à numéros détenue par un immigré d'origine cubaine. Ce dernier a demandé un permis de bar pour 52 personnes à l'intérieur et 28 sur la terrasse.

L'immigré cubain, qui a présenté la demande de déménagement du Jungle Bar, est clairement présenté comme un prête-nom dans la décision de la Régie.

Au cours des audiences, qui se sont déroulées l'automne dernier, il s'est avéré que le Cubain ne connaissait même pas le principal investisseur, lequel a dépensé des milliers de dollars pour aménager le bar dans l'immeuble de la rue Saint-Jacques. Des policiers ont aussi témoigné lors de ces audiences.

«La Régie prend très au sérieux la demande (de permis), conclut la décision. Elle considère que le financement est très nébuleux (...) La Régie est également très inquiète, suite aux témoignages des policiers, de la présence de Tony Magi dans ce dossier. Elle n'a pas reçu de témoignage clair et précis de la part de la demanderesse quant à savoir qui sont vraiment les actionnaires ou les propriétaires de cet établissement.

«La Régie en vient donc à la conclusion que, dans les circonstances, faire droit à la demande serait susceptible de porter atteinte à la sécurité publique ou de nuire à la tranquillité publique. Elle rejette la demande.»

Même caviardée, la décision apporte un éclairage intéressant sur ce qui se passe dans la mafia italienne. Le document reproduit des extraits des témoignages des policiers. Le nom de Tony Magi est presque toujours effacé, mais il est facile de comprendre que c'est de lui qu'il s'agit.

«Depuis déjà plus de deux ans, des événements majeurs ont fortement ébranlé le milieu du crime organisé italien, a noté un des témoins. Un conflit est toujours en cours et a résulté en de nombreuses attaques envers des membres du crime organisé italien ou des personnes reliées à ce dernier (...).

«Tony Magi est relié de près aux derniers événements impliquant le crime organisé sur le territoire de l'île de Montréal. Magi et ses gardes du corps utilisent plusieurs véhicules dans leurs déplacements; un de ces véhicules est complètement blindé. Les sujets gravitant autour de l'organisation de Magi ont tous été identifiés; selon l'analyse et la surveillance physique, ces derniers seraient armés en tout temps.»

Magi et ses gardes du corps ont été arrêtés en septembre. L'homme d'affaires est accusé d'avoir eu des armes en sa possession dans «un but dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre un acte criminel». Libéré sous caution, il doit retourner en cour au mois de novembre prochain. Le demandeur du permis de bar, l'immigré cubain, a indiqué hier qu'il portera la décision de la Régie en appel.