Les funérailles du patriarche de la mafia montréalaise, Nicolo Rizzuto, se sont déroulées sous haute surveillance, lundi, à l'église Notre-Dame-de-la-Défense au coeur de la Petite Italie. Il n'y avait pas que les policiers de Montréal qui faisaient sentir leur présence. Des gardes du corps embauchés par le clan Rizzuto étaient installés aux deux entrées pour refouler les curieux et les ennemis potentiels.



Alors que de plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer une enquête publique sur les liens entre la mafia et le milieu de la construction, un très important promoteur immobilier de Montréal et un entrepreneur en travaux publics ont tous deux assisté aux obsèques de l'homme de 86 ans, a appris La Presse. L'un d'eux a même offert une couronne funéraire.

Nicolo Rizzuto a été abattu mercredi soir dans sa résidence cossue de Cartierville. L'octogénaire était dans sa cuisine quand une balle, vraisemblablement tirée d'un petit bois derrière chez lui, l'a atteint mortellement. Sa femme et sa fille étaient aussi présentes sur les lieux. Aucun suspect n'a encore été arrêté.

La veuve du patriarche, Libertina Manno, sa fille, Maria Rizzuto Renda et deux de ses petits-enfants, Leonardo et Libertina, étaient assis dans les premières rangées, lundi. L'avocat de la famille, Me Loris Cavaliere, était aussi présent. Le grand absent de la cérémonie était le fils unique de Nicolo, Vito, qui purge une peine de dix ans de prison aux États-Unis, pour les meurtres de trois membres du monde interlope, en 1981 à New York.

Journaliste expulsé

L'église qui contient 800 places n'était pas bondée. Il restait quelques sièges vides ici et là dans les bancs situés aux extrémités. Les représentants des médias n'étaient pas les bienvenus. Un journaliste a même été expulsé. Au moins quatre hommes à la carrure impressionnante faisaient des rondes entre les rangées à l'intérieur de l'église à la recherche d'intrus.

La cérémonie, très sobre, a duré une heure. Elle s'est déroulée entièrement en italien. Quatre gerbes de roses blanches avaient été déposées devant l'autel. Un petit bouquet d'autres fleurs blanches trônait sur le cercueil fermé. Un choeur a entonné plusieurs chants religieux en latin, dont une interprétation très vibrante de l'Ave Maria.

Aucun membre de la famille n'a pris la parole durant la cérémonie. Le prêtre Igino Incantalupo n'a pas lu de message personnalisé adressé à la famille Rizzuto. Il n'a pas, non plus, rendu hommage au défunt. Après la communion, le prêtre a fait savoir que la famille remerciait ceux qui lui avaient transmis leurs condoléances. La famille souhaite vivre la suite en toute intimité, a précisé le prêtre en faisant référence à l'enterrement qui a eu lieu ensuite au cimetière Saint-François-d'Assise.

Rares étaient ceux qui ont voulu s'adresser aux médias après les funérailles. «C'étaient des funérailles comme les autres. Ce n'était pas différent parce que c'étaient celles de M. Rizzuto. Tout le monde se recueillait, faisait des prières», a souligné Lepoldo Seccarecca, bénévole à l'église depuis 40 ans.

Plusieurs Québécois d'origine italienne de la génération de Nicolo Rizzuto ont tenu à lui rendre un dernier hommage. «Pour moi, ce n'était pas un criminel. Chacun fait ce qu'il veut dans la vie. Je faisais les rapports d'impôts de certains membres de sa famille», a dit Alberto Pizze, comptable à la retraite qui a émigré à Montréal à la même époque que le patriarche, à la fin des années 50.

L'un des rares badauds à être parvenus à entrer dans l'église en est ressorti «impressionné» par l'atmosphère qui y régnait. «J'étais pas mal tout seul de Québécois de souche. C'était surtout des gens d'origine italienne», a souligné Léandre Paradis. «Il y avait beaucoup de sécurité. C'était les mêmes colosses que j'avais vus au salon funéraire en fin de semaine», a-t-il précisé.

Boîte noire

Les funérailles qui ont débuté avec un peu de retard, peu après 11h, ont bien failli être reportées. Une boîte noire décorée d'une croix blanche découverte sur le parvis de l'église vers 9h30 a causé tout un émoi. Les policiers ont érigé un large périmètre de sécurité rue Dante. La police a récupéré le colis une trentaine de minutes plus tard avant de lever le périmètre. «La boîte ne contenait absolument rien, sauf une note. Le contenu de la note sera analysé», a indiqué l'agent Daniel Lacoursière de la police de Montréal.

Les funérailles du petit-fils du patriarche, Nicolo Rizzuto Junior, assassiné en pleine rue en décembre dernier, se sont déroulées dans la même église au début de l'année. Trente ans plus tôt, les obsèques des frères Violi, éliminés par le clan Rizzuto dans sa quête pour contrôler le monde interlope, avaient eu lieu au même endroit.

Avec la collaboration d'Hugo Meunier