Surnommée d'ordinaire «la rue de la mafia», l'avenue Antoine-Berthelet aurait pu s'appeler «la rue de la police», jeudi, au lendemain de l'assassinat de Nicolo Rizzuto, alias Nick Rizzuto, patriarche de la mafia italienne à Montréal.

Les policiers s'affairaient encore partout jeudi matin autour de la luxueuse résidence du parrain, à Cartierville. Le mafioso de 86 ans était dans sa cuisine lorsqu'il a été abattu d'une balle, mercredi soir, par un tireur embusqué dans un petit bois, derrière la maison.

De cet endroit, on peut clairement apercevoir le trou qu'a laissé le projectile dans la magnifique verrière qui donne sur le jardin. Courroucées, quelques femmes de la famille Rizzuto ont d'ailleurs chassé les photographes et caméramans qui s'aventuraient sur le terrain pour capter des images du trou.

Avertissements

Selon nos sources, des enquêteurs avaient rencontré Nicolo Rizzuto, au cours des derniers mois, pour l'avertir que sa vie était en danger. Le patriarche avait d'ailleurs récemment fait installer des caméras de surveillance autour de sa maison.

En matinée, en quête d'indices, les policiers et les enquêteurs ont ratissé à l'aide de détecteurs de métaux et de maîtres-chiens le bois où se trouvait le tireur, en plus de faire du porte-à-porte.

Un voisin interrogé par La Presse a décrit Nicolo Rizzuto comme un homme discret, qui ne sortait pratiquement plus de chez lui. «Il y a beaucoup de membres de la mafia dans le secteur, tout le monde le sait, mais ce sont des gens très tranquilles», a raconté Chris, tout de même inquiet à l'idée d'une escalade de violence dans son quartier. «J'ai des enfants, alors j'ai peur de la réaction de la famille Rizzuto à cet assassinat», a avoué le père de famille, qui habite le quartier depuis 35 ans.

Sous le couvert de l'anonymat, une octogénaire a raconté n'avoir jamais eu le moindre problème avec le parrain Rizzuto, qu'elle voisinait depuis une trentaine d'années. «On se saluait lorsqu'on se voyait, on a élevé nos enfants en même temps. Pour le reste, on vivait chacun nos vies.»

Après avoir maintenu toute la nuit un important périmètre de sécurité, les policiers ont rouvert la circulation sur l'avenue Antoine-Berthelet jeudi matin. Des voitures de patrouille et des véhicules spécialisés de la police étaient toujours garées devant la maison du parrain, surnommé «Le Vieux» dans le milieu.

Photo Patrick Sanfaçon, La Presse

La verrière de la maison de Nicolo Rizzuto. On aperçoit sur la vitre l'impact de la balle qui a tué le présumé parrain.

C'est à quelques mètres de là, en bordure du bois, que le gendre de Nicolo Rizzuto, Paolo Renda, a été enlevé le 20 mai dernier, sur le boulevard Gouin, alors qu'il rentrait chez lui au volant de sa voiture. Le consigliere de 70 ans habitait la maison voisine de celle de Rizzuto avec sa femme - la fille du parrain -, juste à côté de la somptueuse résidence en pierre de Vito Rizzuto, fils du patriarche assassiné, actuellement emprisonné aux États-Unis.

La femme et la fille de Nicolo Rizzuto se trouvaient à la maison au moment du meurtre.

Devant sa famille

Selon le commandant de la Division du crime organisé de la police de Montréal, l'assassinat du vieux parrain sous les yeux de sa famille porte un coup dur et hautement symbolique au clan sicilien, déjà au tapis à la suite d'une série d'événements violents qui se succèdent depuis plus d'un an. «Peut-être pas un coup de mort, mais un coup porté directement au coeur. D'autant plus que traditionnellement, dans l'histoire de la mafia italienne, on ne s'attaque pas à un membre devant sa famille. On a voulu envoyer un message clair», a dit le commandant Denis Mainville.

En milieu d'après-midi, les policiers avaient déserté la scène. Plusieurs membres du clan Rizzuto étaient réunis dans les maisons de Paolo Renda et de Vito Rizzuto. Les voitures circulaient au ralenti devant les demeures des trois mafiosi. Quelques passants photographiaient même les maisons à l'aide de leur téléphone cellulaire.